Le Lieu célèbre 30 ans d’art en périphérie

Jean-Jules Soucy
Photo: Source Le Lieu Jean-Jules Soucy

Le Lieu, une des trois branches des éditions Intervention, avec la revue Inter et les Rencontres internationales d’art performance, célèbre en fin de semaine trois décennies de diffusion. Il ne l’a pourtant pas eue facile, la vie.


Il faut dire que le centre en art actuel de la rue du Pont, dans le quartier Saint-Roch à Québec, s’est bâti une identité de contestataire, un pied dans la marge et un autre pas mal à gauche. Il a été un des premiers à défendre l’art de l’installation, à vibrer pour et par la performance. Bizarrerie sans créneau aux yeux des fonctionnaires, qui ne voyaient pas sur quelles bases l’appuyer. Son penchant marxiste et le franc-parler de son directeur, Richard Martel, ne l’ont sûrement pas aidé.


Le voilà pourtant, à 30 ans bien sonnés, à célébrer, à se distinguer comme une des antennes d’art actuel québécois les plus vives, reconnue à l’étranger, avec des connexions en Asie, en Europe, en Amérique latine.


« C’est São Paulo qui nous a approchés [et qui a donné lieu à un échange en 2011]. Quand une ville de 24 millions veut travailler avec Le Lieu, il doit bien y avoir une raison », dit Richard Martel, au bout du fil, avec sa verve habituelle.


L’événement « Le Lieu fête ses 30 ans »prend place ce vendredi. La programmation, qui débute par un 5 à 7 animé par Guy Sioui Durand, un des fidèles de l’enseigne, comprend autant des soirées de performances et une table ronde que des activités familiales, un méchoui et un cours de hula hoop.


Rassembleur, nid ouvert à toutes les disciplines, de l’art sonore à la peinture, Le Lieu se fait la fête. Pourtant, il est né sous la dissidence, sous un coup de rage. C’était en 1982 et Richard Martel claquait la porte de la Chambre blanche, un des premiers centres d’artistes de Québec qu’il avait contribué à fonder.


Forme de résistance


« Je suis parti pour des raisons idéologiques, parce qu’ils avaient refusé un artiste marxiste », rappelle-t-il, sans regretter l’engagement « un peu marxisant » qui colore depuis Le Lieu.


« Oui, on a un fond politique, une forme de résistance, dit l’artiste et penseur de 63 ans. On est à Québec et les fonctionnaires de la culture, à l’époque, voyaient l’art contemporain à Montréal et l’art ancien à Québec. »


Sa lutte, « beaucoup à gauche », s’est avérée aussi d’ordre artistique. La performance et les nouvelles disciplines, tous les arts en périphérie, ont trouvé niche au Lieu. « Encore aujourd’hui, les étudiants qui viennent nous voir arrivent avec des esthétiques plus radicales », soutient Martel. Il pense notamment au récent projet d’Édith Brunette, qui n’a exposé qu’un ordinateur. La machine envoyait des messages enregistrés aux entreprises de tout acabit, une stratégie de détournement qui a bien plu au fondateur du Lieu.


Porté par la défense de toutes les périphéries possibles, géographiques, disciplinaires et institutionnelles, Le Lieu n’a plus à défendre sa réputation. Richard Martel en convient. Il croit que c’est une aventure au Mexique avec une trentaine de créateurs, il y a dix ans, qui a donné à l’endroit son statut de rassembleur. Le 30e anniversaire, espère-t-il, le confirmera et attirera « pas mal de monde », avec à son affiche des figures aussi diverses qu’Armand Vaillancourt, Jean-Jules Soucy et le critique français Paul Ardenne.


 

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