Tout Milutin Gubash en mode compact

L’installation de Milutin Gubash occupe la presque totalité de la surface du sol.
Photo: Guy L’Heureux L’installation de Milutin Gubash occupe la presque totalité de la surface du sol.

L’Union, c’est le nom donné par Milutin Gubash à un nouveau territoire, celui de tout son oeuvre physiquement réuni dont il offre une cartographie singulière à la Fonderie Darling. La très compacte exposition, qui prend fin ce dimanche, mettra un terme au séjour de l’artiste en ces lieux où, depuis 2009, il occupait un atelier.

L’exposition ne coïncide pas uniquement avec le départ de l’artiste de la Fonderie, mais culmine également avec une série de cinq rétrospectives différentes de son travail en autant de lieux de diffusion. Le Musée d’art de Joliette fut la dernière escale de ce vaste projet qui a évolué sur plus d’un an à travers le Canada. Sans être une synthèse, l’actuelle exposition constitue certainement une fin de cycle pour l’artiste qui, en mettant tout à la vue, force, pourrait-on croire, le bilan autour de dix ans de pratique.


L’installation occupe la presque totalité de la surface du sol où l’artiste a agencé la somme de ses oeuvres, vidéos, tableaux, sculptures et documentations de performance, sans égard à la chronologie. Dans l’état où elles se trouvent, déposées à plat sur des palettes de bois, les oeuvres sont départies de leur aura, se révélant plutôt comme des objets qui ont été, et qui seront encore, manipulés (décrochés, déballés, transportés, déplacés…). Le dispositif fait ainsi ressortir la dimension plus banale de l’existence matérielle de ces oeuvres.


Si la démarche est un brin iconoclaste, Gubash n’est pourtant pas le premier artiste à avoir opéré de la sorte. Vient à l’esprit l’exemple notoire de l’artiste milanais Maurizio Cattelan qui, en 2011, a rassemblé toutes ses oeuvres en un immense mobile suspendu au coeur de la vaste rotonde du Guggenheim à New York. Le cas de Martin Dufrasne, plus près de nous, est aussi évocateur en ce sens, lui qui a rassemblé l’intégralité de ses oeuvres et de ses artefacts d’atelier dans un tout ordonné, lors d’une résidence au centre Séquence de Chicoutimi en 2005.


L’un et l’autre, dans des registres très différents, contrecarraient l’approche chronologique de la rétrospective, présupposée au « tout », et rendaient ainsi leur travail rétif aux conventions de l’histoire de l’art, discipline qui en produit habituellement l’analyse et la valeur artistique. Le dispositif de présentation choisi par Gubash - moins recherché, d’une certaine manière, parce que dicté par la configuration des lieux, une grande salle sur le long - engendre aussi cet effet. Les séries sont éparpillées, les oeuvres vidéo ne se prêtent pas bien à l’écoute et certaines photographies sont à peine visibles. Autant le dire, sans repères préalables, l’oeuvre, sous cette forme, a de fortes chances de rester hermétique.


Justement. Après que cinq institutions, et autant de commissaires, se furent penchées sur le travail de l’artiste et maintenant qu’une monographie, la plus importante à ce jour, est sur le point d’être lancée, cet exercice s’inscrit volontairement en porte-à-faux avec tous les efforts récents des spécialistes. En même temps, l’artiste parvient à donner une compréhension supplémentaire de son oeuvre par le truchement d’une installation qui en matérialise fidèlement l’ensemble. Le corpus est en effet truffé d’affiches blanches portant le titre des oeuvres faisant partie de collections et qui n’ont pas été rapatriées ici. C’est là finalement un autre visage de la légitimation institutionnelle de l’artiste.


Dans cette installation, Milutin Gubash prend ainsi la mesure de sa figure d’artiste. Il continue en fait d’en élaborer la silhouette, jeu auquel il se prête depuis dix ans dans des oeuvres d’autofiction dont les récits souvent drolatiques entremêlent les références à sa famille, à ses origines serbes et au régime communiste de Tito.


 

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