Une année d’achats inspirés

Bonnie Baxter, Guanlan: Terrace de la série China Jane, 2011, épreuve numérique, MNBAQ
Photo: Bonnie Baxter, Guanlan: Terrace de la série China Jane, 2011, épreuve numérique, MNBAQ

Des expositions autour de leurs acquisitions récentes, les musées se font souvent un honneur de les monter. Si elles sont une solution simple au vaste problème que pose la visibilité des collections, elles prennent parfois aussi une apparence de façade. Voici nos meilleurs coups, nous dit-on. Faut-il comprendre qu’on nous cache quelque chose qu’il vaudrait mieux taire ?


Or, quand la chose est bien présentée, qu’elle s’appuie sur une mise en place cohérente et dynamique, il y a tout lieu de l’apprécier pour ce qu’elle est : une exposition d’oeuvres récentes à savourer dans la quiétude de salles (souvent) à l’ombre des projecteurs.


Actuel : nouvelles acquisitions, la première manifestation signée Bernard Lamarche à titre de conservateur de l’art actuel au Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ), fait partie de ces expos qui offrent une bonne raison de quitter les corridors les plus fréquentés, tout en gardant les deux pieds dans le présent.

 

Art du présent


Sans thème précis, en apparence, la sélection a été inaugurée en novembre. Elle se distingue de toutes les expositions similaires que le MNBAQ a pu organiser depuis dix ans du fait qu’elle ne rassemble que des oeuvres acquises l’année de leur exposition. En tout, il y en a 23, signées par seize artistes. Comme reflet de l’art en vogue, on ne fait pas mieux.


Le parcours débute, de manière forte, avec un panorama d’art gestuel qui rend justice à la diversité et à la santé de ce genre pictural. Une peinture qui s’éclate, qui sort de son cadre : la roulotte un brin tzigane de Marie-Claude Bouthillier (La bonne aventure, 2011) attrape d’abord l’oeil des visiteurs.


Placée au centre de cette première salle, l’installation, composée d’un nombre incalculable de pans de tissu débordants de créativité, semble pointer vers les autres oeuvres. Comme pour les embrasser, pour les inclure dans un commentaire sur le travail artistique, vu comme un long cheminement.


Sur les murs, les oeuvres résonnent en écho à cette image. L’hommage à Borduas que BGL livre dans Au service de l’impact… (2012) parle autant de rupture que d’héritage, non sans jouer sur les illusions. La photographie hasardeuse d’Alana Riley, Six mois d’impacts sur le mur d’un court de squash (2010), ramène, elle, les projections oniriques de Borduas à un monde très terre à terre. Les splashs du toujours singulier Jacques Hurtubise, l’aléatoire composition tirée de l’ordinateur par Barry Allikas, plus épurée celle-ci, et le gribouillis foisonnant et expressif de Catherine Bolduc complètent le tableau.


La suite de l’expo tend davantage vers la narration, bien qu’elle puisse se présenter de manière peu littérale, comme dans la vidéo Icarus (2010) de Mathieu Beauséjour, portée par une lumière éblouissante. Ce dernier, qui a connu une année 2012 bien remplie, est largement favorisé en nombre d’oeuvres exposées - deux séries d’estampes et de dessins font partie des récentes acquisitions du MNBAQ.


Le musée ne fait pas que confirmer les pratiques déjà bien cotées. Les choix du conservateur se sont aussi portés vers des artistes moins connus, voire trop oubliés. C’est le cas du jeune peintre Dan Brault, dont deux paysages ovales, consacrés l’un au jour, l’autre à la nuit, précèdent les contrastantes oeuvres autour du soleil de Beauséjour. C’est le cas aussi de Bonnie Baxter, photographe à la longue carrière. De celle-ci, le MNBAQ a acquis une image de la série China Jane, un projet d’autofiction où se mêlent documentaire et récit de voyage.


La photo de Baxter est à découvrir dans la dernière partie de l’expo. À l’instar de la roulotte de Bouthillier, elle joue un rôle de rassembleuse. Autour d’elle, les oeuvres parlent de territoire et d’identité, d’expériences très personnelles d’un lieu. Lieu de culture, comme l’encre en contrastes de Michael Merril, inspirée par un pavillon du Musée des beaux-arts de Montréal. Ou lieu géographique très vaste, comme la mosaïque Le sang, l’air et le soufre (2008) de Reno Salvail, qui associe des images de la terre à celle du corps de l’artiste.


Les oeuvres d’Actuel : nouvelles acquisitions proviennent autant de la collection Prêt d’oeuvres d’art, ensemble mis à la disposition des entreprises, que de celle de la « vraie » collection permanente du MNBAQ. Elle vaut le détour, bien que lui fassent de l’ombre des expositions plus rares, comme celle qui prend fin dimanche, Art et nature au Moyen Âge.


 

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