Doux mélange des cultures

Cynthia Dinan-Mitchell, Sans-titre, 2002
Photo: Guy L’heureux Cynthia Dinan-Mitchell, Sans-titre, 2002

Papiers peints sur un mur, objets décoratifs et précieux (des vases en céramique) sur un meuble et un soin méticuleux à agencer, en couleurs et en motifs, l’ensemble des salles. Il y a un certain ordre qui règne dans l’exposition en fermeture de la saison mouvementée du centre Plein sud, enclavé dans le cégep Édouard-Montpetit.

Ordre et ornementation, c’est un peu ce qui qualifie de prime abord le travail de Cynthia Dinan-Mitchell, qui présente avec Western Wasabi sa toute première exposition en région montréalaise. La diplômée de l’Université Laval a bénéficié pour l’occasion de la bourse Plein sud, dont elle fut la lauréate en 2011.


Comme son titre l’annonce, l’expo contient autant du western que du wasabi, puise autant dans la culture occidentale que dans l’orientale. Elle poursuit l’idée de la série Saloon Story (2010-2011), qui l’a amenée à composer de petits espaces intimes au centre l’Oeil de poisson, de Québec, mais aussi à Trois-Rivières et à Calgary.


Le mélange tient souvent à une couleur dominante — le rouge du Saloon Story, le jaune dans Installation décorative jaune (2006). Moins monochrome, basé sur un équilibre de noir, de blanc et de jaune, Western Wasabi profite aussi d’un espace plus vaste. L’oeuvre se divise en deux salles, un hall avec ses tableaux — des sérigraphies rehaussées à la gouache où cohabitent cow-boy, geisha et dragon —, puis une pièce fermée, apte à la détente.


Sous cette couche de design d’intérieur et de sérénité, l’installation couve quelque chose d’instable, porté par de légères distorsions. Ainsi, certains détails révèlent, sinon l’absurdité du décor, du moins un côté moins paisible. Élément central, à la fois au sol et suspendu, ou enlaçant mur et mobilier, un long serpent ou lasso finit par avoir une forme inquiétante, proche de la corde à étrangler. Ailleurs, sur une petite table, un mignon dragon endormi est entouré d’ossements ; ses trésors de chasse, sans doute.


Cynthia Dinan-Mitchell s’est inspirée du cinéma, et en particulier de celui du Japonais Takeshi Miike. Son film Sukiyaki Western Django (2007) est en soi déjà un mélange, à la manière du western spaghetti italien. Travail sur l’appropriation et la plus-value culturelle — Pierre Ranou, auteur du texte dans l’opuscule publié par Plein sud, estime que l’artiste « a épicé » ses représentations —, Western Wasabi possède plus d’une piste de lecture.


Alors que le désordre et les rapprochements baroques sont de mise dans l’art actuel, y compris la pratique de l’installation, Cynthia Dinan-Mitchell a trouvé une signature bien à elle. Son appropriation passe aussi par une prédilection pour de vieilles techniques, proches du savoir-faire et de l’artisanat, qui rompent avec notre époque numérique. Son papier peint et différents objets, comme les revolvers, sont recouverts de flocage, vieux procédé pour donner l’apparence du velours. Le petit dragon, en argile, a été fait à la main. Un détail qui exprime tout ce soin que l’artiste prend pour créer ses faux décors.


Notons en terminant que le lauréat de la bourse Plein sud 2012 a été annoncé vendredi soir ; il s’agit de Simon Bilodeau, dont la pratique con-jugue peinture et installation. Déjà protégé de la galerie Art mûr, il sera invité à exposer à Longueuil dans un an.



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