La passion de l'art qui bouscule

Plusieurs œuvres ont été créées à l’intention d’André Tremblay. Car son histoire d’amour avec les œuvres est aussi ancrée dans des amitiés avec les artistes.
Photo: Annik MH de Carufel - Le Devoir Plusieurs œuvres ont été créées à l’intention d’André Tremblay. Car son histoire d’amour avec les œuvres est aussi ancrée dans des amitiés avec les artistes.

On imagine souvent le collectionneur d'art plutôt riche, professionnel frayant dans les classes sociales élevées et faisant des achats mesurés. Professeur au secondaire, Alain Tremblay a bâti sa collection avec une passion brute pour l'art qui brasse, à coup d'achats enflammés.

Née sur le tard, dans la trentaine, cette passion était au départ dépourvue de toute référence à l'histoire de l'art. Au fil des ans, des rencontres artistiques, des visites d'encans et de galeries, il a troqué son Corno pour des Marc Séguin, Ève K. Tremblay, Patrick Bernatchez, Sylvain Bouthillette, Mathieu Beauséjour et Sophie Jodoin. La collection branchée de M. Tremblay, qui compte maintenant 150 oeuvres principalement québécoises et actuelles, est exposée jusqu'au 22 avril à la Maison de la culture Frontenac.

Les deux salles touffues réunissent tant des oeuvres figuratives qu'abstraites, de la peinture à la photographie en passant par la gravure, le dessin et la sculpture.

«Mon leitmotiv, c'est que l'oeuvre doit me faire réagir, il faut que ça m'anime, ça me brasse, ça me bouscule», confie l'homme du Saguenay au bagou aussi inépuisable que sa ferveur à faire connaître l'art visuel, devant une première série d'oeuvres de Marc Séguin (il en a 22!). Dans son monde idéal, tous se feraient un peu collectionneur, chacun à sa mesure.

«Acheter de l'art, c'est un témoignage de ce qu'on est et de ce qu'on vit; les artistes nous parlent de la société dans laquelle on évolue. L'art visuel est une forme d'art privilégiée et méconnue par la plupart des gens, et je trouve ça dommage.»

Amour et investissements

Il «gère» ses oeuvres avec amour en pensant autant aux artistes qu'il soutient qu'à la réflexion qu'ils suscitent. Au futile désir de spéculer, il oppose plutôt le plaisir suivant: «M'entourer d'objets qui ont du sens pour moi, qui parlent aujourd'hui et [parleront] encore dans 10 et 15 ans, j'espère.»

«Si j'avais respecté les bons principes de la finance, je n'aurais jamais bâti une collection comme ça», dit-il. Il se réjouit aussi de l'investissement alternatif, autogéré, bien loin des poches sans fond des banques. «Je vois la couleur de mon argent; elle est sur mes murs.»

Le collectionneur, qui s'est fait aussi commissaire pour l'occasion, a réuni ses oeuvres par grands thèmes. Dans une salle, la spiritualité fraye avec l'érotisme. «L'amour de Dieu et l'amour du cul», résume-t-il à sa manière colorée. L'autre salle explore la souffrance, l'isolement, l'aliénation et le pouvoir.

Chaque oeuvre a son anecdote. Alleluia de Sylvain Bouthillette est le fruit d'un troc, «un ordinateur contre un tableau». Plusieurs pièces ont été créées à son intention. Car son histoire d'amour avec les oeuvres est aussi ancrée dans des amitiés avec les artistes.

À 53 ans, Alain Tremblay reconnaît être un intense dans tout ce qu'il fait. Ancien athlète sportif, il carbure à l'art depuis presque 17 ans. Il se fait aussi passeur auprès de ses élèves qu'il emmène régulièrement dans des ateliers d'artistes, au musée et à l'Orchestre symphonique de Montréal.

La collection branchée de M. Tremblay s'inscrit dans le cadre plus large de l'événement «Collectionner» du réseau Accès Culture, qui propose neuf expositions pour autant de collectionneurs privés (Paryse Taillefer, Jean-Michel Ross, Franck Hénot & Danny Therrien, Sébastien Hudon, Robert Poulin, Mathieu Gauvin, Jacques Champagne, François Rochon), en plus d'une collection municipale et une exposition collective, traçant le portrait de passionnés de tout acabit.

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