Butinage de fin de saison

À l'approche du temps des Fêtes, il est propice de butiner dans les galeries. Ce parcours pourrait par contre avoir pour fil conducteur la peinture, laquelle pullule dans les lieux d'exposition. Même que, un regard rétrospectif permet de dire que la saison aura été idéale pour quiconque aurait voulu s'initier aux grandes figures de la peinture au Québec et à son histoire plus récente.
Bien sûr, il faut penser ici à Yves Gaucher, que la galerie René Blouin expose actuellement, en quatre majestueux tableaux. L'autre géant à avoir occupé cet automne les cimaises, celles de la galerie Roger Bellemare-galerie Christian Lambert, est Fernand Leduc, dans une exposition magistrale de ses «monochro-mes», un survol de 40 ans couronné par une série des plus flamboyantes intitulée Mont Tibet à moi (2011).C'est avec une autre de ces figures historiques que les galeries Roger Bellemare et Christian Lambert vont terminer l'année. Il s'agit de Charles Gagnon (1934-2003) dans un accrochage typique aux galeristes, épuré et réfléchi. Le ton de l'exposition a été donné par le tableau Écho (1988-1989) qui, pour une rare fois, a été réuni avec son pendant, Écho no 2 (1989), donnant ainsi la pleine mesure au phénomène de répétition énoncé, l'un étant d'ailleurs dans une tonalité plus pâle que l'autre. C'est la période de l'artiste où, à ses surfaces combinant structures géométriques et gestualité, il ajoutait des mots.
L'écho est au coeur d'une autre oeuvre, cette fois sous forme de l'hommage, dans un assemblage bien nommé Hommage à plusieurs... (1976), entre autres inspiré de Marcel Duchamp et de Robert Rauschenberg. Comme quoi, aussi, le travail de cet artiste n'est en rien réductible au seul médium peinture. C'est avec d'autres tableaux par contre que l'exposition se conclut, notamment avec une oeuvre de la période des Inquisitions. Les plus curieux voudront jeter un oeil sur un fabuleux tableau de 1965, tenu légèrement à l'écart, qui emboîte des formes géométriques droites et légèrement maculées dans un mariage de couleurs rappelant un paysage.
Quatrième dimension
L'exposition Entre les fissures (représenter la quatrième dimension), qui se termine aujourd'hui au centre Oboro, propose quant à elle un panorama de la peinture des dernières années. Voilà d'abord qui étonne de la part d'un centre habituellement peu versé dans la peinture. L'angle d'approche permet justement d'appuyer sur un élément qui n'est pas propre à la peinture, mais que celle-ci fait émerger d'une singulière manière sur la surface, à savoir une quatrième dimension. Suivant les propos du peintre allemand Max Beckmann, qui voyait des fissures, des défaillances dans le système pictural et ses représentations, le commissaire David Elliot, lui-même peintre, a réuni les oeuvres de 14 artistes.
Cette prémisse, en partant stimulante, ratisse large, incluant de tout et, de surcroît, dans un accrochage détonant et quelque peu déroutant qui semble surtout considérer chacune des oeuvres isolément. Il reste que plusieurs bons tableaux sont présents, montrant une peinture occupant un répertoire varié souvent en quête de brouiller les pistes quant à sa nature et à ses sources, par exemple chez Cynthia Girard, Anthony Burhnam et Barry Allikas. Il faut voir aussi le Carol Waino, d'une intrigante intrication entre texture et figuration, et des oeuvres plus anciennes de peintres un peu oubliés avec le temps: Leopold Plotek et John Boyle.
Filles du roi
Il n'est pas possible de parler de peinture et d'histoire sans mentionner l'exposition de Monique Régimbald-Zeiber à B-312, qui dit rendre hommage à l'artiste dans le cadre des festivités entourant ses 20 ans d'existence. L'artiste, à son habitude, montre des peintures aux surfaces hybrides, entre la peau et le tissu, lesquelles ici se déploient sur les murs en une multitude remarquable de tableautins, fruit de plus trois ans de travail. Chacun d'eux sécrète la retranscription d'une notice biographique des Filles du roi, d'après un registre établi par l'historien et démographe Yves Landry. Le dispositif matérialise et rend visible, à défaut d'être tout à fait lisible, l'hétérogénéité d'une réalité délaissée par la grande histoire. De générique qu'il était, le répertoire s'est mué en une myriade de fiches personnalisées imaginant le quotidien de ces femmes.
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Collaboratrice du Devoir
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Charles Gagnon
Galerie Roger Bellemare-Galerie Christian Lambert
372, rue Saint-Catherine Ouest, espace 502
Jusqu'au 24 décembre
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Entre les fissures (représenter la quatrième dimension)
Oboro
4001, rue Berri
jusqu'au 17 décembre
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Monique Régimbald-Zeiber. Les dessous de l'histoire (2)
Galerie B-312
372, rue Saint-Catherine Ouest, espace 403
jusqu'au 21 janvier 2012