Demeures ambivalentes

L’installation de Karine Payette, Faire son nid, à la Maison de la culture Frontenac
Photo: © karine payette L’installation de Karine Payette, Faire son nid, à la Maison de la culture Frontenac

Karine Payette a encore peu d'années d'expérience derrière elle, mais un sujet lui colle déjà à la peau: les rapports que l'humain entretient avec son chez-soi. Pour l'exposition Faire son nid, que l'artiste présente alors qu'elle poursuit une maîtrise en arts visuels et médiatiques à l'UQAM (Université du Québec à Montréal), elle aborde le thème de la domesticité avec une ambivalence peut-être non désirée.

Installations, projection vidéo et photographies en couleurs tissent tour à tour dans la salle des liens entre des images de la demeure et la notion de refuge. Refuge qui se veut d'abord protecteur et accueillant, mais qui évoque aussi la fuite, la dissimulation, voire le déni du monde extérieur. À plus d'une reprise, et aussi dans des oeuvres antérieures, Payette travaille avec de la laine minérale pour traiter des fonctions physiques d'isolation du chez-soi, mais aussi de ses connotations psychiques, elles liées au besoin d'isolement. Dans la vidéo Faire son nid, des personnages sur fond blanc se vautrent dans la matière rose, moins, semble-t-il, pour trouver du réconfort que pour se soustraire à ce qui les entoure, à la manière d'une autruche qui plonge la tête dans le sable.

Réalité friable


Cette imagerie est reprise dans une série de photographies où les personnages sont cette fois dans leur milieu de vie réel, cuisine, salle de jeu ou chambre à coucher, par exemple. Ils se dissimulent tant bien que mal à l'aide du mobilier, corps sans tête et mal à l'aise, d'une manière toutefois qui fait songer à d'autres pratiques actuelles consacrées à la représentation du corps. Du reste, l'une de ces photos, Nid de Maxime, oriente la lecture de l'exposition autrement, en montrant un homme qui cherche refuge sous une chaloupe renversée sur les rives du fleuve. Ainsi, l'errance plutôt que la sédentarité, accolée à la notion de nid, un abri après tout plus transitoire que permanent.

D'ailleurs, les installations qui constituent le coeur de l'exposition, et son principal attrait, explorent davantage cette voie. Mariant avec prouesse iconographie pop et facture bricolo, Payette fait après tout du contexte de la demeure une réalité friable et labile. Les oeuvres Abri 1 et Abri 2, composées de laine minérale ou d'une boîte de carton, renferment en leur sein un personnage, liant le corps à la rénovation et au déménagement, au processus de définition de soi et au nomadisme. Un pan de mur angulaire rend compte, quant à lui, de manière plus allusive, de la présence humaine. Ici et là, sur sa surface, une pellicule de peinture blanche est déchirée de façon à laisser voir des fragments de papier peint aux motifs surannés, vestiges du passé.

Avec son recours à la mise en scène et à la performance de figurants, Karine Payette touche d'une manière qui retient l'attention, bien que celle-ci soit encore à peaufiner et à clarifier, nos pratiques d'habitation. Il ressort ici que celles-ci sont plutôt liées à l'itinérance et au déracinement.

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Collaboratrice du Devoir

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