Les dérives de José Luis Torres

Un chantier. Plutôt, une salle en montage — ou en démontage? Des modules en bois, quelque chose entre la boîte rafistolée pour le transport ou un simple assemblage de planches, restes et autres débris occupent l’espace. L’exposition Dérives connectives
a pourtant été inaugurée début novembre.
La salle semble néanmoins encombrée, peut-être pas à sa pleine capacité, mais c’est justement cette impression du verre à moitié plein, à moitié vide qui laisse croire qu’il y a quelque chose en cours et dont le résultat est à venir.
Une seule déambulation parmi ces structures et un regard pour le moins attentif fait comprendre que, s’il y a quelque chose en cours, c’est bien une expo — tel qu’annoncé. Les modules, avec parois en guise d’abri et sur roues, donnent l’étrange sensation d’être à la fois identiques et uniques. Fragiles, sans être précieux: on est invité à les manipuler, à les déplacer et à les organiser comme bon nous semble.
Objets fonctionnels ou oeuvres d’art? La question est d’autant plus pertinente que l’exposition affiche le mot «dérive» dans son titre et que nous sommes à Monopoli, galerie portée, depuis sa naissance il y a huit ans, par l’idée que l’architecture est plus un art plastique que pratique. En fait, il faut dire l’ex-Monopoli. La petite enseigne encastrée dans le Palais des congrès, centre d’artistes autogéré un temps, est devenue la «Maison de l’architecture du Québec». Rien de moins.
C’est dans cet esprit, sous cette tonne d’ambiguïtés et d’identités multiples, qu’expose le «sculpteur, plasticien, architecte paysagiste» José Luis Torres. Une situation qui sied bien à cet artiste d’origine argentine établi au Québec depuis dix ans. Sa pratique repose sur une réalité migratoire dans laquelle le déplacement et le mouvement appellent, non pas le mélange des cultures, mais l’instabilité, la fragilité, et aussi la capacité d’adaptation et l’ouverture.
Quel que soit l’endroit où il expose, dans un centre d’art ou en plein air, José Luis Torres s’imprègne de l’esprit du lieu et mime le mobilier qu’on s’attendrait à y voir. Dans un boisé de Mirabel, c’est un sentier qu’il a aménagé; dans un parc du Plateau Mont-Royal, un ensemble labyrinthique cohérent avec l’aire de jeu avoisinante.
Entre les murs, parmi ses multiples travaux, il a déjà exposé une série de valises-maquettes, les Paysages portatifs, dont on ne sait s’il fallait les observer ou les prendre avec soi. Ludiques et interactifs, ses projets n’imposent jamais de directives gagas et ne visent pas à épater par des bidules électroniques.
La manière de Torres, rudimentaire et éloquente de simplicité, demeure vague. De leur signification à leur configuration dans l’espace investi, ses oeuvres dépendent de l’implication des visiteurs (des usagers?).
C’est particulièrement le cas avec ces Dérives connectives. L’anarchie dans laquelle semble être tombée l’ex-Monopoli est due à la disposition aléatoire des modules, une mise en place au gré des choix, et du nombre, des visiteurs. L’expo «dérive» dès lors vers plusieurs univers, vers des lectures multiples, voire contraires. Là, on peut voir une série de murets pour jouer au paintball; ici, un logis de fortune pour les plus démunis.
Le bois est son matériau de prédilection, pour ne pas dire le seul. S’il se sert aussi de certains dérivés (carton) ou d’au-tres éléments naturels inhérents (terre), c’est parce qu’ils entrent dans la catégorie des matériaux dits pauvres. Son bois, d’ailleurs, en est un de seconde main, des morceaux rejetés, rudes et plein de défauts.
L’habitation, cette grande fonction confiée à l’architecture, est souvent mise à sac par José Luis Torres. Il interroge, comme ici avec ses structures contradictoires, «les rapports entre espace ouvert et espace construit, entre sculpture et architecture, entre le dehors et le dedans» (extrait du communiqué de presse).
Sous l’oeil du commissaire Stéphane Bertrand, Dérives connectives est le pendant en galerie, dans le cube blanc — aussi iconoclaste soit cette maison de l’architecture, elle demeure un cube blanc —, de l’intervention urbaine que l’artiste a faite cet été. L’oeuvre Labyrinthe, conçue pour l’expo Paysages éphémères dont Bertrand était aussi le commissaire, jouait également sur le double rôle de protecteur et d’oppresseur.
Collaborateur du Devoir
a pourtant été inaugurée début novembre.
La salle semble néanmoins encombrée, peut-être pas à sa pleine capacité, mais c’est justement cette impression du verre à moitié plein, à moitié vide qui laisse croire qu’il y a quelque chose en cours et dont le résultat est à venir.
Une seule déambulation parmi ces structures et un regard pour le moins attentif fait comprendre que, s’il y a quelque chose en cours, c’est bien une expo — tel qu’annoncé. Les modules, avec parois en guise d’abri et sur roues, donnent l’étrange sensation d’être à la fois identiques et uniques. Fragiles, sans être précieux: on est invité à les manipuler, à les déplacer et à les organiser comme bon nous semble.
Objets fonctionnels ou oeuvres d’art? La question est d’autant plus pertinente que l’exposition affiche le mot «dérive» dans son titre et que nous sommes à Monopoli, galerie portée, depuis sa naissance il y a huit ans, par l’idée que l’architecture est plus un art plastique que pratique. En fait, il faut dire l’ex-Monopoli. La petite enseigne encastrée dans le Palais des congrès, centre d’artistes autogéré un temps, est devenue la «Maison de l’architecture du Québec». Rien de moins.
C’est dans cet esprit, sous cette tonne d’ambiguïtés et d’identités multiples, qu’expose le «sculpteur, plasticien, architecte paysagiste» José Luis Torres. Une situation qui sied bien à cet artiste d’origine argentine établi au Québec depuis dix ans. Sa pratique repose sur une réalité migratoire dans laquelle le déplacement et le mouvement appellent, non pas le mélange des cultures, mais l’instabilité, la fragilité, et aussi la capacité d’adaptation et l’ouverture.
Quel que soit l’endroit où il expose, dans un centre d’art ou en plein air, José Luis Torres s’imprègne de l’esprit du lieu et mime le mobilier qu’on s’attendrait à y voir. Dans un boisé de Mirabel, c’est un sentier qu’il a aménagé; dans un parc du Plateau Mont-Royal, un ensemble labyrinthique cohérent avec l’aire de jeu avoisinante.
Entre les murs, parmi ses multiples travaux, il a déjà exposé une série de valises-maquettes, les Paysages portatifs, dont on ne sait s’il fallait les observer ou les prendre avec soi. Ludiques et interactifs, ses projets n’imposent jamais de directives gagas et ne visent pas à épater par des bidules électroniques.
La manière de Torres, rudimentaire et éloquente de simplicité, demeure vague. De leur signification à leur configuration dans l’espace investi, ses oeuvres dépendent de l’implication des visiteurs (des usagers?).
C’est particulièrement le cas avec ces Dérives connectives. L’anarchie dans laquelle semble être tombée l’ex-Monopoli est due à la disposition aléatoire des modules, une mise en place au gré des choix, et du nombre, des visiteurs. L’expo «dérive» dès lors vers plusieurs univers, vers des lectures multiples, voire contraires. Là, on peut voir une série de murets pour jouer au paintball; ici, un logis de fortune pour les plus démunis.
Le bois est son matériau de prédilection, pour ne pas dire le seul. S’il se sert aussi de certains dérivés (carton) ou d’au-tres éléments naturels inhérents (terre), c’est parce qu’ils entrent dans la catégorie des matériaux dits pauvres. Son bois, d’ailleurs, en est un de seconde main, des morceaux rejetés, rudes et plein de défauts.
L’habitation, cette grande fonction confiée à l’architecture, est souvent mise à sac par José Luis Torres. Il interroge, comme ici avec ses structures contradictoires, «les rapports entre espace ouvert et espace construit, entre sculpture et architecture, entre le dehors et le dedans» (extrait du communiqué de presse).
Sous l’oeil du commissaire Stéphane Bertrand, Dérives connectives est le pendant en galerie, dans le cube blanc — aussi iconoclaste soit cette maison de l’architecture, elle demeure un cube blanc —, de l’intervention urbaine que l’artiste a faite cet été. L’oeuvre Labyrinthe, conçue pour l’expo Paysages éphémères dont Bertrand était aussi le commissaire, jouait également sur le double rôle de protecteur et d’oppresseur.
Collaborateur du Devoir