Exposition - Portraits en fauve

Tableau, 1913, de Kees Van Dongen. Collection du Musée d’art moderne, Centre Georges-Pompidou.
Photo: Tableau, 1913, de Kees Van Dongen. Collection du Musée d’art moderne, Centre Georges-Pompidou.

Des portraits et encore des portraits, l'exposition Van Dongen: un fauve en ville en contient dans chacune de ses salles. Et pas toujours roses... La peinture de Kees Van Dongen (1877-1968), un des membres les plus extrêmes du fauvisme, repose sur ces deux axes: un tracé imprécis, comme exécuté rapidement, inspiré de la caricature, et une palette éclatée, basée sur des contrastes prononcés et des tons chauds.

Cette première rétrospective Van Dongen en Amérique du Nord — bien après, en tout cas, celle de 1971 organisée par un musée de l'Arizona — se fonde sur un principe noble, bien rendu par le Musée des beaux-arts. Car dans le fond, une question se pose dès le départ: Van Dongen? Pourquoi, si ce n'est pour faire découvrir un peintre reconnu en Europe mais méconnu ici? Pourquoi lui et pas un autre? Parce qu'un lien l'unit à Montréal: Max Stern, le collectionneur et marchand dont le MBAM se fait le devoir, de manière insistante depuis peu, de rappeler la mémoire et l'importance de son rôle.

Soit. Stern a fait son travail, le MBAM, ses devoirs. Sur les dizaines d'oeuvres achetées par le marchand montréalais, seules six font partie de l'ensemble exposé, ensemble comprenant une centaine de tableaux. Ce petit lien unissant Van Dongen à Montréal aura suffi, surtout honoré par la présence de trois tableaux acquis par le musée de la rue Sherbrooke, dont La Femme au canapé. Le reste, la pertinence de monter une grande expo, s'est bâti avec le concours du Nouveau Musée national de Monaco, établissement qui a fait du peintre néerlandais son âme identitaire. C'est que Van Dongen avait adopté la principauté, où il est mort.

Un audacieux portraitiste

Le parcours au MBAM, essentiellement chronologique, se découpe par les thèmes que l'artiste aura abordés au fil des ans. Le Rotterdam de sa jeunesse puis le Paris au tournant du XXe siècle ouvrent la visite, suivis de son plaisir à peindre, à dépeindre même, la mondanité et les spectacles forains. Le cirque, la musique, sujets clés chez les post-impressionnistes, sont fort présents. On y retrouve le chef-d'oeuvre Les Lutteuses, sorte de pendant fauve, en plus agressif malgré sa teinte rosée, du contemporain Les Demoiselles d'Avignon, de Picasso.

Ces premières salles, très denses, semblent aux antipodes des autres, plus épurées. Comme si, à force d'avancer dans le temps, les commissaires (Nathalie Bondil, du MBAM, et Jean-Michel Bouhours, de Monaco, aujourd'hui au Centre Pompidou) avaient dû élaguer. Si les formats sont plus imposants, la qualité des oeuvres, elle, diminue.

Le monde s'entend pour dire que Van Dongen, mort presque centenaire, a produit l'essentiel de son oeuvre avant 1930. L'expo dépasse d'ailleurs très peu cette limite, à peine quelques huiles, exposées à Monaco seulement, et deux tableaux tardifs, et passablement plus faibles, acquis par le Musée d'art contemporain de Montréal (!) sur don de Max Stern. Le Crachin, Normandie (1950) et La Première Communiante (1956), présentés d'ailleurs en fin de parcours à Montréal, font partie d'un petit ensemble qui détonne par son sujet (des paysages).

Van Dongen aura été un portraitiste. Talentueux, sans doute, surtout audacieux. Ses personnages, presque exclusivement féminins, sans surprise, relèvent souvent plus d'un regard caustique que glorieux, d'une approche volontairement anarchique, où les défauts et les poses peu avantageuses dominent. La série autour du personnage «Fernande» est exemplaire de cette peinture très caricaturale d'où se démarque l'oeuvre Fernande Olivier ou l'Espagnole, avec ses bras levés.

Un dernier mot sur l'enrobage. Sur sa lancée Warhol Live, le MBAM renchérit et innove avec un audioguide uniquement musical. Les tangos, oeuvres pour piano ou bals-musettes choisis par Marie-Claire Sénéchal, réalisatrice à Radio-Canada, peuvent nous plonger dans le vif du sujet, avec raison (Van Dongen était mélomane), ils demeurent l'extravagance de trop. Ils ne distrairont peut-être pas tous ceux qui adopteront la visite musicale, mais ils semblent déplacés. C'est comme dire que la peinture, l'image seule, ne suffit plus pour évoquer un univers. Quand il s'agit de séduire un large public, le silence ne semble plus de mise.

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Collaborateur du Devoir

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Van Dongen: un fauve en ville

Musée des beaux-arts de Montréal, 1380, rue Sherbrooke Ouest, jusqu'au 19 avril.

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