Daphne Odjig au Musée des civilisations - La «grand-mère de Picasso» présente 40 ans de gravures
À 88 ans, Daphne Odjig est en quelque sorte la grand-mère des artistes autochtones canadiens. Le regretté Norval Morrisseau lui avait même donné le surnom de «grand-mère de Picasso», sans doute en référence à celui de «Picasso du Nord» qu'il s'était lui-même attribué. Connue surtout pour ses peintures, Odjig a aussi produit plusieurs gravures. Son parcours dans ce domaine est illustré dans l'exposition Daphne Odjig - Quatre décennies de gravures que présente le Musée canadien des civilisations.
Les premières gravures d'Odjig datent du début des années 1970. Elle avait croqué à la plume des images des Cris de Chemahawin, qui devaient être relocalisés à cause du barrage de Grand Rapids. «Je voulais raconter l'histoire de ces gens, donc j'ai fait ces croquis, et tout le monde les a adorés, alors j'ai décidé d'en autoriser la reproduction en quantité illimitée. Les gens du milieu des arts m'ont dit que je ne devrais pas faire cela, que ça dévaluait mon travail et que ma carrière serait ruinée. Mais je m'en foutais totalement! Pour moi, ce qui comptait c'était de pouvoir témoigner de l'existence de ces gens et de ce qui leur arrivait...»À la suite de cette expérience, Daphne Odjig et son mari ont fondé l'Odjig Indian Prints of Canada, vouée à la reproduction d'oeuvres d'artistes autochtones. Parmi les artistes de leur catalogue figurent Norval Morrisseau, Jackson Beardy, Carl Ray et Eddy Cobiness, avec lesquels Odjig allait plus tard fonder «Le Groupe des Sept indien», dont l'objectif était de modifier la manière dont les artistes autochtones étaient perçus au Canada.
Sa première gravure professionnelle, exécutée par un atelier de Winnipeg, est La tête qui roule (Rolling Head, 1971). Au fil des ans, Odjig a expérimenté diverses techniques et créé plusieurs séries de gravures dont l'une, Les Contes du fumoir (Tales from the Smokehouse, 1973), était destinée à illustrer un recueil de récits érotiques publiés par le Dr Herbert Schwarz. En 1975, elle s'est même rendue à Jérusalem, à l'invitation de la compagnie aérienne El Al, et s'est inspirée de son séjour dans «la ville trois fois sainte» pour créer des gravures aux couleurs éclatantes.
Durant toute sa vie, Daphne Odjig ne s'est jamais pliée aux modes et aux courants artistiques qu'elle a traversés. «La vie est un cercle, la nature est pleine de cercles... Moi, si vous me donnez un crayon, je vais dessiner une courbe, et cette courbe va probablement devenir une femme. Je ne peux pas l'expliquer... C'est comme ça!»
- L'exposition Daphne Odjig - Quatre décennies de gravures se poursuit au Musée des civilisations jusqu'au 20 avril 2008.
Collaboratrice du Devoir