Un artefact de folies... pour revoir l'Expo!

Une vue de la «porte» de Catherine Bolduc
Photo: Pascal Ratthé Une vue de la «porte» de Catherine Bolduc

Quarante ans après l'Expo 67, la triennale Artefact, sculptures urbaines invite à revoir le site qui a changé la face de notre ville. À l'ombre de la sphère de Buckminster Fuller et de L'Homme d'Alexander Calder...

Un endroit champêtre, une visite à faire de préférence à pied, les yeux grands ouverts (oeuvres à la cime des arbres ou à ras le sol), et l'agréable sensation de jeter un oeil nouveau sur un lieu mille fois fréquenté. C'est un peu la «recette» d'Artefact, sculptures urbaines, la triennale d'art contemporain qui revisite depuis 2001 des lieux significatifs de Montréal.

Après le canal de Lachine et le mont Royal, nous voici sur l'île Sainte-Hélène, le temps de commémorer l'Expo 67. Un site et une époque qui ont imposé un thème aux artistes représentant les «cinq continents»: le pavillon. Mais ne vous attendez pas à un survol des nations du monde. À Artefact, tout est bousculé. Même la sculpture.

Marie-Claude Bouthillier, peintre, dans Artefact? Et pourquoi pas, puisque pour elle «le tableau, c'est quelque chose de mélancolique sur lequel on s'appuie». Sa petite cabane, déjà en place gracieuseté de son copain bricoleur — le photographe (!) Yan Giguère —, côtoie paisiblement l'imposante Biosphère. D'ici mercredi, jour de l'inauguration, l'intérieur sera tapissé de sérigraphies, reproduisant à l'infini le même motif bleu ciel. Le sol sera recouvert de miroirs (les jupes ne sont pas recommandées, nous dit-on) et le plafond, lui, sera... le ciel.

«Je veux créer une sensation de flottaison, comme en apesanteur, disait l'artiste lors de notre passage cette semaine. C'est un effet optique. Mais même s'il s'agit d'une expérience visuelle, c'est le corps qui est absorbé.»

Des expériences comme celle-ci, multisensorielles, et pas seulement physiques ou optiques, ce troisième Artefact en offrira à la tonne — au maximum vingt, disons, vu le nombre d'artistes. De l'architecture instable et moelleuse de Jacques Bilodeau aux huttes en bois de Mireille Lavoie, du labyrinthe «anarcho-utopiste» de Mathieu Beauséjour au bar laitier du «trio infernal» BGL...

Oui, le thème du pavillon vous conduira à visiter des cabanes. Mais pas seulement. Catherine Bolduc proposera une porte posée directement sur le sol, «l'Européenne» Marion Galut (France), une fenêtre devant un bassin et «l'Asiatique» Chih-Chien Wang (Taïwan-Québec), que des rumeurs (oeuvre sonore).

Sur l'ensemble des interventions entraperçues, certaines plus critiques, d'autres plus fonctionnelles, Artefact 2007 fera renaître, quarante ans plus tard, la folie architecturale de l'Expo. Non pas par les dimensions, mais plutôt du côté exploratoire et éphémère de l'exercice.

Un tandem d'expérience

C'est en pensant aux ruelles et aux escaliers de Montréal que l'équipe d'Artefact s'est arrêtée sur le choix de l'île Sainte-Hélène. Le 40e de l'Expo 67, célébré cet été, n'est «qu'un plus», de l'aveu des commissaires, Gilles Daigneault et Nicolas Mavrikakis. L'idée du pavillon s'est imposée presque naturellement. Mais elle s'inspire davantage de l'époque où les jardins hébergeaient des «folies» — terme emprunté au latin pour évoquer le feuillage servant de toit.

«On ne reprend pas l'Expo 67. On est même plus proches de Corridart [l'exposition avortée des Jeux olympiques de 1976]: le maire Drapeau n'aurait pas aimé. Il aurait dit: ce n'est pas de l'art, ça», insiste, avec l'humour qu'on lui connaît, Gilles Daigneault.

C'est d'ailleurs toujours difficile de faire de l'art public aujourd'hui. Nicolas Mavrikakis, dont Artefact est sa première expérience «publique», n'en revenait pas des restrictions imposées par les autorités. «Il s'est même fâché à un moment, raconte Daigneault, leur faisant remarquer qu'à les écouter, certains arbres du site n'auraient jamais dû être plantés.»

Le tandem d'expérience qui signe cette expo intitulée Petits pavillons et autres folies, que l'on a déjà entendu autour de la même table à la radio de Radio-Canada, refuse sinon les étiquettes du vieux lion et du jeune loup qu'on pourrait leur accoler. Daigneault, critique de longue date, aujourd'hui directeur de la fondation Molinari, assure que l'âge n'a rien à voir avec le degré de «folie».

«[Jacques] Bilodeau s'amuse comme un enfant, dit-il. Et Aganetha [Dick] est la plus espiègle.»

Ce jour, Aganetha S. Dick, l'aînée du groupe (née en 1937), installe son oeuvre sur les branches d'un arbre. Elle prend tout de même le temps de nous offrir sa carte de visite: un petit sac renfermant graines de fleurs et dessin d'abeille. Elle nous invite à les semer dans notre jardin. Les abeilles adorent, dit-elle. Comme le miel, que l'artiste de Winnipeg cachera dans les étranges formes de son oeuvre, pour mieux les attirer. À ses yeux, elles sont de véritables sculpteurs, des architectes, et il faut le reconnaître. Quoi de mieux que de le faire pendant une exposition, à l'ombre de la sphère de Buckminster Fuller et de L'Homme d'Alexander Calder.

Collaborateur du Devoir

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Artefact 2007

Du 27 juin au 30 septembre, à l'île Sainte-Hélène.

Veuillez noter qu'une série d'expositions parallèles mettant en vedette les même artistes se dérouleront pendant l'été dans plusieurs galeries, ainsi qu'au Musée d'art contemporain, où sont dévoilés les projets sur papier de la manifestation.

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