Les méditations d'un punk bouddhiste...

Sylvain Bouthillette, né à Montréal en 1963, est un artiste difficile à classer. Son oeuvre, un vaste pot-pourri de genres, de styles et de techniques différents, est influencée autant par le «Bad Painting» (un mouvement artistique provocateur apparu à la fin des années 70 en réaction à «l'hyper-intellectualisation» de l'art et qui se définit par une gestuelle expressive, volontairement maladroite, semblable aux dessins d'enfants) que par la musique punk rock, le post-hardcore, le graffiti, la culture populaire et... la philosophie bouddhiste.

En proposant de dresser le «bilan» de mi-carrière de cet artiste, le Centre d'exposition de Saint-Hyacinthe ne s'est donc pas donné une tâche aisée. À la base, il n'est déjà pas évident d'organiser des expositions de ce genre. À l'instar des parcours thématiques, les expositions rétrospectives sont censées présenter en quelques grandes lignes la carrière d'un artiste, en faire, en quelque sorte, un résumé. Dans ce type de parcours, il est important de faire ressortir un fil conducteur précis (qui va au-delà d'une simple classification chronologique) pour faciliter la lecture des oeuvres et aider le spectateur à saisir le sens plus large de la démarche artistique. Il faut faire des choix précis car on est limité par un espace restreint, et cela n'est pas toujours facile, surtout quand l'artiste, comme c'est le cas ici, est particulièrement prolifique, en plus d'être touche-à-tout...

Pour résoudre ce problème, le commissaire invité, Bernard Lamarche (conservateur en art contemporain au Musée régional de Rimouski et ancien critique au Devoir), a adopté une solution ingénieuse: plutôt que de procéder à une déconstruction et à une catégorisation des différentes influences de l'artiste, ce qui aurait été réducteur, il a préféré, au contraire, réunir les opposés et jouer avec les contradictions et les divergences qui sont au coeur du travail de Bouthillette.

Le titre de l'exposition, Dharma Bum, est inspiré du roman Dharma Bums, du porte-étendard de la beat generation, Jack Kerouak. Ce titre illustre très bien le ton général que l'on a voulu donner au parcours. En effet, au-delà du caractère irrévérencieux, ludique, qui ressort de cette association de deux termes très différents (dharma: principe bouddhiste de loi divine selon lequel toute chose est assujettie; et bum, qu'il est inutile de définir), ce titre exprime également les deux «faces» du travail de l'artiste: à la fois le côté esthétique trash et la dimension spirituelle méditative. À ce sujet, l'artiste affirme: «L'imagerie de mon travail, souvent issue de la culture populaire (tatouage, publicité, livres de toutes sortes), sert entre autres à démontrer que la spiritualité se pratique les mains sales et au coeur de notre vie [...] Se sentir rassuré est la base des conceptions arbitraires de l'esprit. Le ridicule, l'impermanence, la confusion, l'instabilité, l'incertitude et l'embarrassant peuvent permettre la libération si nous cessons de croire que la vie est quelque chose de stable et de définissable.»

Ainsi, dans l'exposition, bouddhisme, art abstrait et musique punk s'unissent dans une même démarche, font partie de la même recherche. Le résultat est un parcours riche et mixte dans lequel bestiaire grotesque, peintures grand format, sérigraphies, tirages numériques et sculptures se mélangent allègrement dans un ensemble, finalement, harmonieux.

Par contre, la dimension spirituelle que l'artiste cherche à faire ressortir nous échappe parfois. Par exemple, l'oeuvre sonore Gyrocompas de 1999, qui montre un lièvre en bois suspendu au-dessus d'une sculpture circulaire, et qui est accompagnée au haut-parleur par le nom de l'artiste, répété très lentement de manière monotone, est plus agaçante qu'autre chose. La référence à la méditation, au bouddhisme, est plus ou moins palpable. Le commissaire voit cela comme une manière pour Bouthillette de «banaliser son prénom» et de le «dissoudre dans l'espace, le liquéfier dans un état d'esprit proche de celui de la prière». Que l'on soit d'accord ou non avec cette explication, il ne faut pas non plus oublier que l'autodérision et l'humour occupent une place importante dans le travail de l'artiste...

Collaborateur du Devoir

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Dharma Bum

Sylvain Bouthillette

Jusqu'au 23 décembre

EXPRESSION, Centre d'exposition de Saint-Hyacinthe

www.expression.qc.ca

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