Un brillant portraitiste
Antoine Plamondon (1804-1895) appartient à la première génération des peintres québécois qui ont complété leur formation en France. Lancée au Musée national des beaux-arts du Québec, cette présentation itinérante d'une quarantaine de ses toiles mise sur des oeuvres phares, souvent récemment restaurées, telles l'une des premières icônes exclusivement canadiennes qu'est La Chasse aux tourtes (1850-53). On y voit aussi des copies habiles ou laborieuses des sujets religieux, des scènes de genre, allégories ou natures mortes de qualité inégales qu'il appelait des «tableaux de fantaisie». C'est toutefois dans le portrait que Plamondon donne la pleine mesure de son talent.
Peu commodeDressé à Paris à l'âge de 23 ans, l'autoportrait de 1827 nous montre l'ancien élève de Joseph Légaré arborant une moue affectée lors de son séjour à l'atelier du peintre Jean-Baptiste-Paulin Guérin. Même son protecteur, l'abbé Desjardins, le grand vicaire de Paris, juge ce «nourrisson» peu dégourdi. Son séjour de quatre ans prend fin avec les troubles politiques de 1830, alors que cet ultraconservateur monarchiste est trop heureux de rentrer à Québec. Sa vie durant, Plamondon s'enorgueillit d'avoir été l'élève du «peintre du roy Charles X de France». Guérin, raconte-t-on, en avait fait «un peintre trop parfait pour le Canada»!
Brossé au soir de la vie, son autoportrait de 1882 se base curieusement sur une photographie prise par Jules-Ernest Livernois. Se vieillissant de deux ans, Plamondon y inscrit son âge: 80 ans. Le patriarche à longue barbe blanche y dissimule, sous un air affable, un caractère grincheux et pingre qui le fait «détester aussi bien le luxe que les femmes» et envier le moindre de ses concurrents.
Dès 1833, il ridiculise dans les journaux un peintre d'origine américaine nommé James Bowman. N'hésitant pas à avoir recours à la xénophobie, il s'attaquera publiquement sans relâche à tous les artistes nouvellement installés ou simplement de passage à Québec. Un de ses apprentis, Siméon Alary, qui pose ici pour les quatre versions du flûtiste exécutées de 1866
à 1868, lui reproche d'avoir pris ombrage de ses succès. Il décrit Plamondon comme quelqu'un de «jaloux des prix [qu'il] remportai[t]».
Ses sorties n'empêchent pas la critique de l'époque de lui faire du cire-bottines pas possible. Collectionneur et ami de Plamondon, Joseph-Édouard Cauchon, rédacteur au Canadien, ne cesse d'envoyer des fleurs «à la magie de son pinceau qui dans chaque tableau se révèle sous des formes diverses et toujours plus ravissantes». Entre deux polémiques, Plamondon souligne lui-même à l'occasion, dans les gazettes, «le bel effet» de ses propres oeuvres. La concurrence de son élève Théophile Hamle de même que l'incendie de sa maison et la perte de son atelier incitent Plamondon à s'installer comme cultivateur à Neuville en 1851. Là, il continue à peindre. Il propose par petites annonces des portraits d'après photographies. Peu à peu, son art perd son éclat et sa maîtrise.
Brillant portraitiste
Si Plamondon n'était pas «d'un naturel sympathique», juge John Porter, «il avait heureusement des aptitudes artistiques, ce dont il n'a d'ailleurs jamais douté tout au long d'une carrière qui s'étira de 1819 à 1885».
Peint à son retour, le portrait d'un jeune élève du Séminaire de Québec à la solide construction triangulaire témoigne de sa formation parisienne. L'exposition documente un autre portrait remarquable, inédit et tout juste retracé, d'inspiration néoclassique. Derrière une tenture verdâtre tranche l'uniforme vermillon du capitaine Charles Campbell (1832). À sa suite, Plamondon se fait connaître comme le portraitiste le plus connu du Bas-Canada en plus de décrocher la commande, refusée par la suite, de 14 grands tableaux du chemin de croix pour l'église Notre-Dame. Accompagnant le portrait de l'industriel John Redpath, celui de sa seconde épouse nous la montre parée avec un raffinement ostentatoire. La perception physionomiste des caractères, le rendu des étoffes, des bijoux et des objets font preuve d'une grande virtuosité. Plamondon décline ses sujets en fonction d'une mise en page variée. Chaque pose, en buste rapproché, à mi-jambe, à l'italienne, à l'anglaise, commande des prix différents. Ses portraits de jeune femme nous ravissent par le charme ou l'innocence qui s'en dégage. Brossés avec maîtrise et sensibilité, ses portraits de religieuses font ressortir un sentiment de recueillement. L'exceptionnel Portrait de soeur Sainte-Anne (1841) enveloppe cette novice d'une lumière diffuse qu'accentuent les blancs du plastron et de la cornette. Des portraits individuels rassemblent une dernière fois une famille avant le mariage ou l'entrée en religion d'un des enfants. Mgr Demers, évêque de Vancouver, pose derrière une ouverture inédite sur un paysage marin.
Pourtant héritier d'une formation classique, Plamondon s'inspire du romantisme pour son célèbre Dernier des Hurons (Zacharie Vincent). Peinte en 1838 au lendemain de la rébellion des Patriotes, l'oeuvre, en se faisant l'apologie de la survivance amérindienne, reflète à ce titre le climat d'inquiétude quant à l'avenir de la «nation» canadienne-française. Le sujet semble émerger d'un paysage assombri dans les reflets du soleil couchant. Ce portrait aux allures métaphoriques fut acquis par lord Durham, pour être ramené à Londres et soustrait durant 145 ans aux regards, en un geste qui confère un écho troublant au commentaire de l'auteur du rapport qui décrit les Canadiens français «comme un peuple sans histoire et sans littérature».
Collaborateur du Devoir
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ANTOINE PLAMONDON (1804-1995)
Jalons d'un parcours artistique
Musée McCord
Jusqu'au 1er avril 2007