Martin Boisseau : mines de rien

TROISIÈME TRAITEMENT: LES INTERNES

Martin Boisseau

Galerie Graff,

jusqu'au 23 décembre

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? se demande Martin Boisseau dans ses oeuvres. Les dispositifs que cellles-ci engendrent se font autant d'écrans, de paravents. Comme pour nous empêcher de les saisir. Comme si les réponses en rallonge se multipliaient ici devant une question que nul pourtant n'aurait posée.

Ces «dessins» apparaissent d'abord dérisoires au vu des moyens qu'ils convoquent. Faut-il du reste seulement parler de dessins? Des «tablettes» sérielles évoquent, en verticale, une sculpture de Don Judd à la sauce décorative. Celles-ci servent de support à une feuille de papier reposant sur chaque segment. Tout en haut, sur un plan fait de miroir, de fragiles sculptures sont construites avec des mines de crayon de même dimension empilées à la façon d'un mikado surréaliste. Ce mini-jeu de «pickup sticks» nous interroge. En effet, Boisseau est parvenu, Dieu sait comment, non seulement à faire tenir tout cela mais encore à dessiner quelques traits sur les feuilles avec ces amalgames de mines de crayon à la géométrie aussi variable que fragile. Pourtant, se servir avec un tant soit peu d'efficacité de cet outil, dont le manque évident de fonctionnalité est flagrant, tient d'un étonnant romantisme de l'exploit inutile, Danger, terrain miné! Il y a ici, en plus, quelque chose de maniaque, une précision dans le détail qui commanderait aux yeux de certains le superlatif. À cet égard, selon un texte accompagnant l'exposition, ces oeuvres se caractériseraient par le «jumelage entre l'économie de moyens matériels, la complexité de la logistique de présentation et l'extrême régularité des mouvements mécaniques».

Les cartels, où toutes les opérations sur lesquelles repose cette logistique sont indiquées avec la fidélité descriptive d'un livre de fiches bricolage, ajoutent un peu de distance et d'ironie à l'affaire. Et puisque le propos de Boisseau est «l'exposé», d'autres machins et machines bien étranges semblent être en attente dans la cour centrale extérieure de la galerie. Cinq «sculptures fontaines» portables éclairées sous des trombes de pluie et des flashs stroboscopiques se dissimulent sous une carapace évoquant autant le porc-épic que le monstre techno de la science-fiction. À la manière de sacs à dos, ces sculptures sont transportables. Revêtues par des «porteurs de sculptures», des hommes-sandwichs d'un troisième type, elles devraient faire après l'exposition quelques nouvelles sorties en groupe.

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Raffi

Jean-Claude Bustos

Parisian Laundry,

jusqu'au 2 janvier

Le groupe Molior nous présente cette installation interactive dans le «bunker», à l'entresol du Parisian Laundry. On s'approche d'un des cinq écrans. Oups! Raffi parle: sexe, amour, HIV et sida, être gai à New York, regarder la télé pour tromper sa solitude... L'entretien prend fin lorsqu'on s'éloigne pour se déplacer vers un autre écran. Oups! Cela redémarre. Là, Raffi se remet à parler.

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PANGEA ULTIMA

Helen Cho

Articule, jusqu'au 3 décembre

Au sol, un revêtement de caoutchouc noir, sur lequel des ballons semblent être accolés, se déploie jusqu'à ses extrémités écornées. Au mur, une toile où dominent le noir et le blanc allie une iconographie de chevalerie médiévale et des images qui semblent parfois extraites de l'univers de la science-fiction ou de la revue National Geographic. Devant ce tableau, un autre mur arbore un arc-en-ciel fait de ceintures de judokas. Ici, l'artiste nous parle de hiérarchie et de sport. Elle fait allusion à la sexualité avec ces ballons de soccer soudés. Utilisant tout l'espace de la nouvelle galerie Articule de la rue Fairmount pour donner sa vision modélisée du «match» de la vie, Helen Cho voit loin. Selon certaines théories scientifiques, l'expression «Pangea Ultima» désigne le mégacontinent que sera la Terre dans 250 millions d'années.

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Suzanne Joubert

Galerie Lilian Rodriguez

Jusqu'au 23 décembre

Écolo et peintre, Suzanne Joubert s'est mise au vert. Elle peint des sous-bois arborés, rompus par des escaliers, des chemins, des sentiers. Ces sous-bois, dont le sol est tapissé de végétation et de feuilles mortes, apparaissent comme des lieux de calme et de ravissement, des temps d'arrêt et de médiation, tandis que la peinture se donne des airs de clichés photographiques «vintage» de coloration sépia.

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CHEMIN DE CROIX

Marie-Josée Roy

Galerie Yergeau,

jusqu'au 2 décembre

Ce chemin de croix est celui des orphelins d'Huberdeau. Ces déshérités protestent contre les sévices sexuels et les mauvais traitements qu'ils ont endurés durant leur enfance. À l'occasion d'une manifestation mensuelle devant l'église Notre-Dame, surgissant de l'ombre, ces orphelins de Duplessis brandissent les attributs du religieux: croix, couronne d'épines... Avec ces «instruments de la passion», en un renversement troublant, ils retournent à la face de ceux qui ont abusé de leur innocence et de leur vulnérabilité — des religieux, des membres du clergé catholique — les symboles d'un calvaire personnel qu'on devine profondément traumatisant. Dans ce reportage photo, Marie-Josée Roy s'est penchée avec empathie sur ces victimes. Son témoignage est une charge émouvante. Ce n'est pas tant un propos accusateur qui est mis en avant, plutôt les traces et les séquelles encore visibles de ces mauvais traitements subis durant les années 40, 50 et 60, et qui affligent toujours ces êtres à jamais fragilisés.

Collaborateur du Devoir

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