De Visu - Fictions et autres fils transparents
KARILEE FUGLEM. MY DARLING
Fonderie Darling
Jusqu'au 19 novembre
pendus entre sol et plafond. Sur cette grille spatialisée, des éléments tels écriteaux ou miroirs tantôt interviennent. Si cette stratégie n'a rien de bien nouveau, le dispositif ici fait état d'une rigueur et d'une économie extrême.
L'ensemble impressionne tant se joue, subtile, discrète, une dynamique où visible et non-visible contrastent et se répondent. Tantôt, l'oeil ne peut capter ces fils. Ailleurs, on ne voit que ces fils maintenant lumineux qui nous guident dans un voyage à travers l'espace. Les filaments de nylon dans lesquels se réfléchit la lumière semblent tantôt former une cascade visuelle ou des halos avec leurs trouées. Nos réflexes, nos perceptions, nos conditionnements en sont perturbés.
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ART FICTION
Galerie Art mûr
Jusqu'au 11 novembre
À la galerie Art mûr, qui souligne ainsi son dixième anniversaire, une trentaine d'artistes et une soixantaine d'oeuvres sont rassemblés autour de la notion de fiction. Du coup, les fonctions des espaces de la galerie se déréalisent sous l'effet des récits relatés. Ici, les mots clefs pourraient bien être l'image comme illusoire vérité du visible, la défragmentation, l'autofiction ou les mises en scène en tous genres.
À noter: les corps automates de Lois Andison; les fictions aussi cinématographiques que scénographiques de Carlos et Jason Sanchez, avec ces intérieurs incendiés; les mythologies «picturales» de Paul Bourgault; les étranges constructions de Monique Bertrand. Sur la convocation tout aussi inquiétante des apparences, les photos de Janet Eyre reconstituent une théâtralité grand-guignolesque du quotidien avec leurs présences incongrues à la limite du grotesque et leurs cauchemars issus des peurs de l'enfance.
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MATHIEU BEAUSÉJOUR ALAIN DECLERCQ
Vox
Jusqu'au 21 octobre
Intitulée 1 1/2 métro Côte-des-Neiges, l'environnement imaginé par Mathieu Beauséjour orchestre une relecture contemporaine de la proclamation télévisuelle du manifeste du FLQ durant la crise d'octobre de 1970. Le manifeste est diffusé sur un écran vidéo dans une salle au mobilier plastifié et spectral d'un blanc lustré. Au lieu de Gaétan Montreuil, une speakerine chic au fort accent français lit le texte... en anglais. À la fin, le logo du FLQ est modifié pour s'apparenter à celui, fleurdelisé, du gouvernement du Québec. Reposant à sa façon la «question nationale», l'artiste pratique ici de façon plus ou moins réussie une sorte de version télégénique, contextualisée «made in Québec», et tridimensionnelle de surcroît, du détournement situationniste.
Non loin, l'artiste français Mathieu Declercq nous présente ses simulations inspirées du terrorisme international. Son installation vidéo nous entraîne dans une imagerie chère au roman de contre-espionnage. Il y est question d'affaire d'État classée «top-secret», de conspiration, d'attaque contre le Pentagone, d'un certain Mike...
L'affaire se corse quand on sait que Declercq, rattrapé au tournant par ses fictions, s'est retrouvé à Bordeaux en juin 2005 au coeur d'une procédure antiterroriste lancée par les policiers français. Son appartement a été perquisitionné. Dans la documentation examinée par les limiers de la brigade antiterroriste se trouvaient des dossiers sur Ben Laden et al-Qaïda, des armes factices, des photocopies de billets en grosses coupures, la photo d'un missile tombant sur le Pentagone, des armes factices, dont un Beretta très bien imité qui lui a servi pour son vidéo!
À la suite de sa mésaventure et après un interrogatoire serré qui a duré plus de cinq heures, Declercq racontera: «Le problème, c'est qu'à un moment, ils se sont mis à se demander si "artiste" n'était pas justement la meilleure et la plus rusée des couvertures — le moyen idéal de dissimuler des activités de terrorisme.»
Collaborateur du Devoir