Un siècle en peinture

Québec — Le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) inaugure aujourd'hui son exposition majeure de l'automne. Avec De Caillebotte à Picasso: chefs-d'oeuvre de la collection Oscar Ghez, le musée convie les visiteurs à un fascinant voyage au coeur de l'histoire de la peinture figurative.

Né en 1905 en Tunisie, Oscar Ghez aura connu un destin hors du commun. Ayant fait fortune dans l'industrie du caoutchouc, il se démarque par sa passion de l'art, qui l'a poussé à constituer une des plus imposantes collections privées du monde. «Mon père a toujours refusé d'écouter les experts du monde de l'art, raconte Claude Ghez, venu expressément à Québec pour le vernissage de l'exposition consacrée à la collection familiale. Il a choisi chacune de ses oeuvres pour des raisons personnelles, se laissant bien souvent guider par son intuition, par ses goûts et par une certaine nostalgie de l'Europe d'avant la Deuxième Guerre mondiale.»

Il résulte de l'ensemble une lecture unique d'un siècle de peinture. «Il achetait pratiquement exclusivement de l'art figuratif, précise Claude Ghez. Il avait en horreur l'art abstrait, qui à ses yeux était symbole d'une vie moderne détachée de l'expérience personnelle de la réalité.» La collection souligne en effet la richesse et la fécondité des grands mouvements picturaux qui ont révolutionné l'art de la fin du XIXe siècle jusqu'aux années 1960. Le Pont de l'Europe (1876) de Caillebotte et L'Aubade (1965) de Picasso deviennent ainsi des bornes symboliques circonscrivant la période couverte par l'exposition.

Présentée il y a quelques années au Musée Jacquemart-André de Paris, l'exposition tirée de la collection Ghez a très peu voyagé. Québec peut d'ailleurs s'enorgueillir d'être la première ville en Amérique du Nord à la recevoir. «La version de l'exposition que l'on présente à Québec est différente de celle qui a été vue à Paris ou ailleurs, explique Paul Bourassa, conservateur au MNBAQ. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec l'équipe du Petit Palais de Genève [musée privé fermé au public depuis 2001 où est conservée la collection Ghez] pour choisir 116 oeuvres majeures parmi les 5000 qui constituent la collection.» Cette sélection exclusive au MNBAQ fait une bonne place à des artistes renommés comme Manet, Renoir, Sérusier, De Chirico, Tamara de Lempicka, Buffet et Picasso, mais elle permet également de découvrir des oeuvres produites par des artistes en marge des monstres consacrés par les experts du domaine. On a ainsi plaisir à plonger dans l'univers des Angrand, Maufra, Kissling, Soutine et de l'étonnant Foujita, pour ne nommer que ceux-là.

Des impressionnistes aux cubistes, en passant par l'école de Pont-Aven et celle de Paris, on découvre les périodes que l'industriel a affectionnées et qui mettent en lumière l'évolution du traitement de la couleur, de la matière et du sujet par les artistes. Claude Ghez soulignait d'ailleurs au Devoir la qualité de l'ensemble: «Cette présentation est certainement le plus bel et le plus intelligent accrochage de la collection de mon père qu'il m'ait été donné de voir.» Afin de bien documenter le panorama historique ainsi tracé, le MNBAQ a produit un remarquable catalogue dont les textes, signés par le commissaire du Musée du Petit Palais, Gilles Genty, donnent un éclairage inspirant sur les grandes périodes qui ont constitué un siècle de peinture.

Collaborateur du Devoir

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