Le Picasso du Nord

Il a fallu attendre 125 ans pour que le Musée des beaux-arts du Canada consacre une exposition individuelle à un artiste des Premières Nations et, pour cette grande première, le MBAC a choisi le peintre Norval Morrisseau, un des artistes autochtones canadiens les plus connus au Canada et à travers le monde.

Il est extrêmement rare qu'on puisse affirmer avec certitude qu'un artiste a véritablement créé un nouveau mouvement artistique, mais c'est le cas de Norval Morrisseau, à l'origine du style Woodland, ou «peinture de légendes», aujourd'hui appelé «peinture anishinabée». Dans ce style de peinture, les personnes et les animaux sont représentés comme s'ils étaient vus à travers des rayons X, découpés en plusieurs sections entourées d'épais contours noirs et peints en aplats de couleur vive. Des lignes de communication émanent des figures en les reliant entre elles ou en les entourant.

C'est à la suite d'un rêve, au début des années 50, que Norval Morrisseau, aussi appelé Oiseau-Tonnerre de cuivre, commence à dessiner et à peindre des images tirées des légendes de son peuple. Il veut raviver la connaissance et la fierté des Anishinabés par rapport à leur univers spirituel tout en faisant connaître celui-ci au monde entier. La combinaison de son talent exceptionnel et de la richesse de la spiritualité autochtone que son oeuvre révèle fait l'effet d'une bombe dans le monde des arts. Dès sa première exposition, à la galerie Pollock de Toronto, en 1962, certains critiques crient au génie. Si, au début de sa carrière, ses oeuvres représentent uniquement le monde spirituel de son peuple, elles acquièrent au fil des ans une dimension à la fois plus personnelle et plus universelle, reflétant l'influence de la religion catholique dans laquelle l'avait élevé sa grand-mère aussi bien que l'univers du chamanisme auquel l'avait introduit son grand-père.

50 ans de création

Souvent imité mais jamais égalé, Morrisseau a accumulé les honneurs et les distinctions: élu à l'Académie royale des arts en 1973, décoré de l'Ordre du Canada en 1978 et reconnu grand chaman des Ojibwés en 1986, il a même été surnommé le Picasso du Nord par la presse française et a été un des rares peintres canadiens invités à exposer au Centre Georges-Pompidou à l'occasion du bicentenaire de la Révolution française, en 1989.

L'exposition Norval Morrisseau, artiste chaman regroupe une soixantaine d'oeuvres parmi les milliers que l'artiste a réalisées en cinq décennies de vie artistique. Elles ont été choisies par le conservateur adjoint de l'art contemporain au MBAC, Greg Hill, et regroupées dans cinq salles. La première présente quelques-unes des premières oeuvres de Morrisseau, des images d'animaux sacrés, de rites et de créatures animées d'une grande force spirituelle, parfois peintes sur des rouleaux d'écorce de bouleau ou sur de la pierre, comme les images sacrées des rites chamaniques que lui faisait découvrir son grand-père. La seconde salle, baptisée Morrisseau l'artiste, est consacrée à la période qui suit sa première exposition, en 1962. Les sujets qu'il privilégie sont toujours fortement enracinés dans la spiritualité et la culture anishinabées mais sa palette, encore dominée par les verts et les bruns qu'on associe aux forêts de sa région natale, commence à se teinter de quelques touches de couleurs vives qui laissent présager ce qui est à venir.

Dans la troisième salle, baptisée Les manifestations de l'esprit, on observe une diversification des sources d'inspiration: Morrisseau puise maintenant autant dans la culture chrétienne que dans celle des Anishinabés, comme en fait foi son Christ indien (1974), et lui qui a vécu l'enfer des écoles résidentielles ne se gêne pas pour critiquer le sort réservé aux communautés autochtones, par exemple dans Le Cadeau (1975). C'est en entrant dans la quatrième salle que le choc survient: le visiteur a littéralement l'impression de plonger dans la couleur! Vibrantes et éclatantes grâce à l'emploi qu'il fait maintenant de la peinture acrylique, les oeuvres de Morrisseau datant de la fin des années 70 et du début des années 80 sont souvent de très grand format, invitant le visiteur à s'y plonger entièrement pour s'en imbiber totalement. Même si elles sont encore ancrées dans la culture et la spiritualité anishinabées, l'artiste y explore une cosmologie beaucoup plus vaste qui tend vers l'universalité. Enfin, sa progression dans l'univers de la couleur et l'approfondissement de sa spiritualité sont à leur apogée dans la cinquième et dernière salle, où sont présentées des oeuvres réalisées dans les années 90, une période particulièrement féconde pour Norval Morrisseau. C'est à ce moment qu'il peint Observations du monde astral (v. 1994) et Sans titre (Chaman voyageant dans d'autres mondes afin d'obtenir des faveurs) (v. 1990), qui comptent sans aucun doute parmi ses oeuvres les plus belles et les plus abouties sur le plan de la technique. Malheureusement, au début des années 2000, une santé défaillante vient mettre prématurément fin à l'élan de création qui le portait depuis près de 50 ans.

Dans la troisième salle, baptisée Les manifestations de l'esprit, on observe une diversification des sources d'inspiration: Morrisseau puise maintenant autant dans la culture chrétienne que dans celle des Anishinabés, comme en fait foi son Christ indien (1974), et lui qui a vécu l'enfer des écoles résidentielles ne se gêne pas pour critiquer le sort réservé aux communautés autochtones, par exemple dans Le Cadeau (1975). C'est en entrant dans la quatrième salle que le choc survient: le visiteur a littéralement l'impression de plonger dans la couleur! Vibrantes et éclatantes grâce à l'emploi qu'il fait maintenant de la peinture acrylique, les oeuvres de Morrisseau datant de la fin des années 70 et du début des années 80 sont souvent de très grand format, invitant le visiteur à s'y plonger entièrement pour s'en imbiber totalement. Même si elles sont encore ancrées dans la culture et la spiritualité anishinabées, l'artiste y explore une cosmologie beaucoup plus vaste qui tend vers l'universalité. Enfin, sa progression dans l'univers de la couleur et l'approfondissement de sa spiritualité sont à leur apogée dans la cinquième et dernière salle, où sont présentées des oeuvres réalisées dans les années 90, une période particulièrement féconde pour Norval Morrisseau. C'est à ce moment qu'il peint Observations du monde astral (v. 1994) et Sans titre (Chaman voyageant dans d'autres mondes afin d'obtenir des faveurs) (v. 1990), qui comptent sans aucun doute parmi ses oeuvres les plus belles et les plus abouties sur le plan de la technique. Malheureusement, au début des années 2000, une santé défaillante vient mettre prématurément fin à l'élan de création qui le portait depuis près de 50 ans.

Un catalogue magnifiquement illustré complète l'exposition et aide l'amateur à comprendre le parcours exceptionnel de cet artiste autochtone qui avait comme double but de devenir le chaman le plus puissant de l'univers et le plus grand artiste du monde! Il ne fait aucun doute que le Musée des beaux-arts du Canada n'aurait pas pu trouver un créateur plus digne de faire l'objet de la première exposition individuelle qu'elle consacre à un artiste des Premières Nations.

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