Juste pour rire s'exporte à Nantes

L'empire du rire de Gilbert Rozon vient de faire un petit... à l'étranger. À compter de l'an prochain, le Festival Juste pour rire va en effet s'exporter à Nantes, en France, avec la création de la toute première édition européenne de cette grande foire pour drôles et amateurs de drôles, ont annoncé hier les responsables du Groupe Rozon, qui prend ainsi de plus en plus des allures de multinationale de l'humour.
Baptisé Festival Juste pour rire Nantes Atlantique, la mouture européenne du célèbre happening de la blague en tout genre va prendre place dans la ville du sud de la Bretagne du 22 avril au 1er mai 2006, histoire de mettre à l'honneur les artistes de la francophonie, dit-on, dans une programmation en salle et à l'extérieur orchestrée en partie par Luce Rozon, la soeur de l'autre.«C'est un chêne que nous sommes en train de planter, a commenté hier lors d'une conférence de presse le président fondateur de Juste pour rire, Gilbert Rozon. J'étais celui qui était le plus sceptique et le plus résistant à cette idée [en raison de la complexité inhérente à l'organisation d'un tel événement]. Mais le maire de Nantes a utilisé tous les moyens, y compris l'alcool, pour me faire flancher», a-t-il ajouté en rigolant.
Dix-sept mois de tractations et plusieurs rencontres avec les élus et fonctionnaires locaux plus loin, Juste pour rire vient donc de vendre à cette municipalité du département français de la Loire-Atlantique une licence lui permettant d'exploiter pour les trois prochaines années (pour commencer) l'image et l'expertise du festival montréalais. En échange, Nantes s'engage à verser à l'empire québécois de l'humour 7 % des recettes (hors subventions) la première année et 14 % de ces mêmes recettes les autres années, selon les termes de l'entente dont Le Devoir a pris connaissance hier.
L'excroissance européenne de Juste pour rire sera doté d'un budget de un million d'euros pour l'édition 2006 (1,5 million $CAN), et cinq millions d'euros (7,3 millions $CAN) par an sont envisagés par la suite. En comparaison, le budget du Festival Juste pour rire, cuvée Montréal, s'est élevé à 34 millions de dollars l'an dernier.
Plusieurs villes françaises, dont Toulouse dans le sud du pays, étaient en lice pour accueillir la version européenne de l'événement, a confirmé hier en entrevue Gilles Petit, p.-d.g. du bureau de Juste pour rire en France. «C'est toutefois à Nantes que nous avons trouvé l'esprit d'ouverture et les affinités qui vont permettre à l'événement de prendre son envol, a-t-il expliqué. Nantes est située au bout de l'Europe, au bord de l'Atlantique, et c'est là qu'on retrouve les gens les plus curieux pour voir ce qui se passe de l'autre côté.»
Avec 15 % de son budget de fonctionnement consacré à la culture — Montréal, avec certes des obligations financières différentes, injecte de 3 à 4 % dans ce secteur —, cette ancienne résidence des ducs de Bretagne a su, au cours des dernières années, s'imposer sur la scène européenne comme un lieu privilégié pour le développement de la culture. L'endroit héberge 500 000 âmes, soit l'équivalent de la ville de Québec, alentours compris.
Bastion du Royal de luxe, une troupe de théâtre de rue qui s'est produite à Montréal par le passé, spécialisée dans les mises en scène urbaines grandioses, Nantes est aussi l'hôte annuellement de La folle journée, un festival de musique classique qui s'est depuis exporté à Bilbao, Lisbonne et Tokyo. Le Festival Juste pour rire Nantes Atlantique vient s'ajouter au menu culturel de la municipalité, qui compte également en faire profiter ses voisins en délocalisant des spectacles à Saint-Nazaire et à La Baule, dans les environs, a expliqué Jean-Marc Ayrault, maire de Nantes de passage à Montréal hier afin de présenter, aux côtés de Gilbert Rozon et du maire de Montréal Gérald Tremblay, ce projet d'exportation du festival de l'humour vers les vieux pays.