Étonnante Marie Laforêt
En écoutant les entrevues qu'elle a accordées, on a découvert que Marie Laforêt possèdait un sens de l'humour à tout casser. Dans le tour de chant qu'elle donnera encore deux soirs, elle ne se prend pas trop au sérieux non plus, en chanteuse; aussi est-on disposé à lui pardonner les petits pépins et la nervosité d'un soir de première. Au delà de ces yeux ravageurs, il y a un regard narquois et l'aisance d'une femme qui n'essaie pas de se montrer autre que ce qu'elle est. Confortablement vêtue d'une robe ample et coiffée d'un turban, elle s'avance, cherche ses marques, blague un peu pour mettre son trac à plat, puis ose. C'est parti! Elle s'aventure d'abord sur un terrain connu du public avec L'ami Pierrot, Viens, viens, Mon amour, mon ami. Soudain, elle se laisse prendre au jeu d'une plongée dans Une petite ville, ou dans La tendresse. Alors, son talent d'interprète et de comédienne ressort et met en valeur sa belle voix à laquelle les années ont donné une agréable raucité.
La combinaison inattendue d'une maîtresse de l'ironie, d'une femme à l'image de star et d'une chanteuse qui affirme n'être ni une chanteuse, ni une star, s'amalgame de façon harmonieuse dans le spectacle de Marie Laforêt. La plupart des chansons qu'on l'a convaincue de chanter dans ce tour de chant n'ont pas une profondeur terrible —elle-même hésitait à reprendre Que calor la vida ou Les vendanges de l'amour— mais qui s'en plaindrait? «Une chanson, c'est peu de chose», mais ça s'accroche à l'oreille et il suffit de quelques notes pour que ça s'inscrive dans la mémoire et que ça nous suive partout. La plupart des titres (plus d'une vingtaine) qui composent le spectacle rappelleront des souvenirs à ceux qui ont connu les années 1960-70, alors que Ivan, Boris et moi tournait sur toutes les platines.Et puis quel bien cela fait de voir une femme mûre, profondément elle-même, continuer à chanter avec sa voix de soixante ans, refuser la retraite précoce et accepter de partager avec nous une sérénité probablement conquise de haute lutte, et qui carbure à l'humour! Chapeau, pour l'audace et pour le bonheur de cette soirée.
Collaboratrice du Devoir