Considérer la présence autochtone sur l’île Sainte-Hélène

Aquarelle de James D. Duncan représentant l’île Sainte-Hélène, vers 1840.
Archives Musée Royal de l'Ontario Aquarelle de James D. Duncan représentant l’île Sainte-Hélène, vers 1840.

Lorsque l’île Sainte-Hélène émerge, après la fonte d’un glacier il y a environ 8000 ans, elle est au milieu d’un lac immense, et le paysage en est un de toundra, soumis à de catastrophiques crues saisonnières.

Même si l’île a tout de même pu être fréquentée à cette époque, les premières traces d’occupation qu’on y trouve se situent à des millénaires plus tard, soit il y a 1500 ans.

C’est ce dont témoignera Marie-Michèle Bleau, étudiante en archéologie et stagiaire au parc Jean-Drapeau, dans la conférence qu’elle présente ce week-end au Rendez-vous d’histoire de Québec. Ces rendez-vous, qui battent leur plein à Québec jusqu’à dimanche, proposent des incursions variées dans l’histoire, empruntant souvent des chemins inusités.

On y discute autant de l’histoire des petits gâteaux Vachon, de la mode capillaire masculine au 18e siècle, que de la Confédération à travers la caricature ou du parcours de l’ancienne directrice du Devoir Lise Bissonnette. Cette année, un hommage particulier est rendu à la chanteuse Alys Roby, à laquelle les Rendez-vous dédient un cabaret, une conférence de Chantal Ringuet et une table ronde.

Mais revenons à l’île Sainte-Hélène, ainsi nommée en hommage à l’épouse de Champlain, Hélène Boullé. L’une des collines de l’île est d’ailleurs communément appelée « mont Boullé ». Pour l’instant, les chercheurs ne détiennent pas d’information quant aux toponymes que les autochtones utilisaient pour nommer ces lieux. Mais dans le plan d’aménagement qui prendra place à l’île Sainte-Hélène au cours de la prochaine décennie, une nouvelle signalétique tiendra compte de cette présence autochtone ancienne.

Nouvelle signalétique

 

« On va avoir toute une stratégie, notamment de signalisation et de signalétique pour justement nommer des chemins, nommer des espaces, nommer des aménagements. Et c’est certain que des toponymes autochtones ou des toponymes anciens ont été perdus, qui reflétaient davantage l’identité géomorphologique de l’île », dit Jonathan Cha, chef d’équipe, aménagement et conservation au parc Jean-Drapeau.

L’île de Sainte-Hélène a la particularité d’abriter une pierre qui ne se trouve nulle part ailleurs dans les environs, la pierre de brèche. Or, on a aussi trouvé des fragments de ce minéral issu de la cheminée du volcan du mont Royal dans le Vieux-Montréal en 2021, sur un site vieux de 1500 ans, ce qui permet de penser que l’île Sainte-Hélène était déjà fréquentée à cette époque.

En prévision des aménagements à venir, le parc Jean-Drapeau a créé un comité de discussion avec des communautés autochtones pour s’engager dans un processus de « réconciliation ».

« Il y a deux ans, on a créé un cadre stratégique dans lequel on a fait de la réconciliation une des orientations stratégiques, poursuit M. Cha. On a mis en place un comité-conseil autochtone qui, depuis un an et demi, nous émet des commentaires et des recommandations. Cela permet d’avoir un dialogue continu avec des membres des communautés autochtones. Il y a donc une dizaine de membres, la majorité est autochtone, principalement d’origine mohawk. »

Zone de conflit

 

Or, on le sait, la région de Montréal a de tout temps été un lieu de passage au milieu du fleuve. L’île Sainte-Hélène ne fait sans doute pas exception. Si les fragments retrouvés sur l’île témoignent d’une présence iroquoienne et agricole sur les lieux, d’autres éléments permettent d’identifier également des traces algonquiennes. Mme Bleau mentionne par exemple qu’une seule sépulture autochtone se trouverait sur l’île Sainte-Hélène, selon les données historiques connues. Il s’agirait de la sépulture d’un membre de la communauté algonquienne qui se serait noyé dans les rapides de Lachine, avant d’être enterré aux abords de ceux-ci. Les Algonquiens auraient ensuite déterré cette sépulture pour la réenterrer sur l’île Sainte-Hélène, selon le témoignage qu’en aurait fait Samuel de Champlain.

« Champlain aurait assisté à la cérémonie, dit Marie-Michèle Bleau. Donc, il y avait une occupation double selon les informations qu’on a, surtout à cette période-là. C’était un peu une zone de conflits. » Ces conflits pouvaient opposer non seulement les Algonquiens et les Iroquoiens, mais aussi, éventuellement, les Français et les Anglais.

Les travaux de réaménagement de l’île Sainte-Hélène devraient s’étirer sur au moins dix ans.

800 ans d’occupation au parc Jean-Drapeau : survol des découvertes archéologiques et de l’histoire des îles.

Conférence de Marie-Michèle Bleau

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