Jean-François Bélisle nommé directeur du Musée des beaux-arts du Canada

Les jeux sont faits : c’est l’actuel directeur général et conservateur en chef du Musée d’art de Joliette (MAJ), Jean-François Bélisle, qui dirigera le Musée des beaux-arts du Canada (MBAC). Cette nomination arrive après une longue période de fortes turbulences créée par la volonté d’entamer un processus de décolonisation d’un des plus importants établissements muséaux du pays.
Le ministre du Patrimoine canadien a officialisé la nomination de M. Bélisle mercredi midi. Le nouveau directeur entrera en fonction le 17 juillet pour un mandat de cinq ans.
« Fort d’une riche expérience en tant que conservateur et directeur d’organismes artistiques au pays et à l’étranger [Jean-François Bélisle] a prouvé qu’il peut exercer un leadership inclusif et positif, déclare le ministre Pablo Rodriguez dans un communiqué. Je suis heureux que nous puissions mettre son talent au service de cette institution nationale importante. »
Le comité de sélection a rencontré plusieurs candidats, selon les informations obtenues par Le Devoir. La nomination de M. Bélisle a été la seule et unique recommandation soumise au cabinet du ministère du Patrimoine canadien, qui l’a finalement entérinée.
Le muséologue québécois, parfaitement bilingue, pilote le MAJ depuis 2016. Il possède une forte expertise en art contemporain. Il a notamment travaillé pour la galerie Arsenal à Montréal et à Toronto, ainsi que pour la maison de vente aux enchères Sotheby’s à Genève.
M. Bélisle remplacera Angela Cassie, elle-même nommée par intérim après le départ de Sasha Suda, qui a démissionné en 2022 pour diriger le Philadelphia Museum of Arts. Mme Suda était arrivée à Ottawa en 2019 et avait eu le temps de faire adopter le tout premier plan stratégique du MBAC.
Décolonisation contre tradition institutionnelle
Cette réorganisation fondamentale s’appuie sur la politique d’égalité, de diversité et d’inclusion et sur une volonté ferme de décoloniser le musée, c’est-à-dire de modifier les structures, les pratiques et les récits hérités de l’époque coloniale européocentriste. Le nouveau slogan de l’établissement, « Ankosé — Everything is Connected — Tout est relié », est emprunté à la langue algonquine pour marquer l’objectif de jeter des ponts vers toutes les composantes de la société canadienne, y compris les Premières Nations.
À (re)lire
Les impacts de la grande mutation se sont fait sentir pendant l’année écoulée. La crise a atteint un nouveau plateau quand le MBAC a remercié quatre employés et membres de la direction. Parmi eux figuraient le conservateur des arts autochtones et la conservatrice en chef.
Jean-François Bélisle a engagé son établissement de Joliette dans cette voie de la décolonisation des théories et des pratiques en organisant l’exposition Regards en dialogues en 2020-2021. Ce travail proposait des oeuvres du tournant du XXe siècle de Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté, d’Alfred Laliberté ou de Louis-Philippe Hébert en soulignant les stéréotypes et les discriminations qu’elles véhiculaient. Les critiques de ces clichés artistiques par trois Autochtones complétaient la proposition en recadrant le message.
Le virage décolonisateur se heurte à la tradition institutionnelle. Les grands collectionneurs du pays ont manifesté leurs inquiétudes devant cette transformation qui va influencer toutes les fonctions du musée, la collection comme l’exposition des oeuvres, l’embauche comme l’histoire de l’art pratiquée par les spécialistes.
Les tiraillements autour de la grande rétrospective qui sera consacrée à l’automne à Jean Paul Riopelle, pour célébrer son 100e anniversaire de naissance, ont concentré ce choc des perspectives. La nouvelle orientation idéologique et historiographique tendait à vouloir diminuer les ressources consacrées à une énième célébration d’un artiste blanc ; des collectionneurs et des conservateurs de l’art moderne tenaient au contraire à en rajouter.