Le monastère du Bon-Pasteur dévasté par un incendie

Le monastère du Bon-Pasteur a subi d’importants dommages à la suite d’un incendie qui s’est déclaré jeudi après-midi et qui a forcé l’évacuation d’une trentaine de résidents. Alors que les pompiers étaient toujours en train de combattre les flammes, près de 24 heures après le début du brasier, l’avenir de cet édifice patrimonial de haute valeur paraissait incertain, vendredi.
Vers 18h30, Sylvain Jalbert, un porte-parole du Service de sécurité incendie de Montréal (SIM), a confirmé que l’incendie était « presque maîtrisé ». « La situation s’est grandement améliorée depuis ce matin », a-t-il dit, sans pouvoir préciser quand l’opération des pompiers serait terminée.
Une forte odeur de brûlé se dégageait du centre-ville de Montréal, vendredi, au point où Environnement Canada a envoyé un avis en matinée pour prévenir la population que la qualité de l’air n’était pas optimale dans le secteur. L’alerte incendie maximale a été déclenchée et quelque 150 pompiers étaient toujours mobilisés.
À l’angle de la rue Sherbrooke et du boulevard Saint-Laurent, on pouvait toujours voir des nuages de fumée s’échapper du toit, lorsque la mairesse Valérie Plante a pris la parole devant les médias, vers midi. « Si, à Paris, ils ont été capables de reconstruire Notre-Dame-de-Paris, j’ai confiance qu’avec le gouvernement du Québec et nos autres partenaires, on va être capables de rebâtir [le monastère du Bon-Pasteur] », a-t-elle lancé, alors que la dévastation des lieux était manifeste.

Cachet extraordinaire
Construit entre 1846 et 1893, le monastère a hébergé les soeurs du Bon-Pasteur jusque dans les années 1960, avant que cet immense bâtiment de pierres soit classé patrimonial en 1979. Cinq ans plus tard, il a été acquis par la Société immobilière du patrimoine architectural de Montréal, qui a reconverti l’endroit en centre multiservice.
Aujourd’hui, on y trouve une résidence pour personnes âgées et une coopérative d’habitation. Plusieurs organismes à but non lucratif occupent des bureaux à l’intérieur du monastère, alors que la chapelle, au centre, a été restaurée en 1985 pour devenir l’une des salles « les plus prestigieuses » dans le milieu de la musique classique.
Elle possède notamment un piano de concert Fazioli et un clavecin Kirkman, dont on célébrait le 250e anniversaire l’an dernier. Vu l’ampleur des dégâts, plusieurs doutent que ces instruments de grande valeur aient pu passer à travers le brasier et les dommages causés par l’eau.
« C’est un drame. Tout le monde est sous le choc, c’est un lieu tellement important. Ça a été le tremplin pour tellement d’artistes. Yannick Nézet-Séguin, Louis Lortie, Marc-André Hamelin, beaucoup de gens ont joué à la Chapelle à leurs débuts », s’est désolé Simon Blanchet, l’agent culturel de la Ville de Montréal qui est responsable de la Chapelle historique du Bon-Pasteur.

La chapelle est aussi prisée par des artistes populaires pour la qualité du son qu’elle offre. C’est dans ces lieux notamment que Richard Desjardins a enregistré son mythique album Tu m’aimes-tu ?.
Le brasier s’est déclaré vers 16h30 jeudi sur le toit de la chapelle, avant que les flammes ne se propagent aux autres ailes du monastère, forçant l’évacuation d’une trentaine de résidents en plus des travailleurs qui étaient sur place. Tout le monde s’en est tiré sain et sauf. En début de soirée cependant, les pompiers ont trouvé un homme en état d’hypothermie dans un logement du deuxième étage. Ce dernier a été pris en charge par Urgences-santé et on ne craint pas pour sa vie.
On ignore si l’homme habitait le monastère du Bon-Pasteur. Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a pris en charge le dossier afin de faire la lumière sur cette histoire.
Mieux se préparer
L’origine du brasier demeure inconnue. Le SIM n’a pas voulu s’étendre sur les possibles causes de l’incendie, tant que celui-ci n’était pas maîtrisé.
Les pompiers ont expliqué que leur travail était particulièrement compliqué en raison des matériaux avec lesquels le bâtiment a été construit, ainsi qu’à cause de sa forme très particulière.
C’est ce qui fait dire à Dinu Bumbaru, d’Héritage Montréal, que les pompiers devraient être mieux préparés à agir en cas d’incendie dans des édifices à caractère patrimonial. « Avec l’incendie mortel il y a quelques semaines dans le Vieux-Montréal, et maintenant cet incendie tragique aujourd’hui, ça nous rappelle qu’il faut mieux évaluer la vulnérabilité des édifices patrimoniaux. Il y a déjà des procédures qui existent, mais mettre des gicleurs et faire des plans d’incendie, ça ne suffit pas. Il faut que les pompiers aient une meilleure connaissance sur le bâti traditionnel. Il faut qu’ils fassent des exercices qui soient propres au patrimonial », plaide le directeur des politiques de cet organisme qui fait la promotion du patrimoine architectural.
Héritage Montréal fait aussi partie des organismes qui doivent se reloger. Leurs bureaux étaient situés au sous-sol de la chapelle. L’organisme s’attend à avoir perdu plusieurs archives et collections.
Avec Florence Morin-Martel et Olivier Du Ruisseau