Le REM et les apprentis du 1%

L’Université Concordia inaugure un cours d’initiation à l’intégration des oeuvres d’art au Réseau express métropolitain.
Graham Hughes La Presse canadienne L’Université Concordia inaugure un cours d’initiation à l’intégration des oeuvres d’art au Réseau express métropolitain.

L’initiation à la compétition commence maintenant. Ce mardi, l’Université Concordia commence un cours estival dont l’objectif est de « former la prochaine génération d’artistes à l’élaboration de propositions d’art public ». Les étudiants vont travailler concrètement à partir de l’exemple du Réseau express métropolitain (REM) dont la mise en service est retardée.

Au cours des prochaines semaines, la classe sera subdivisée en quatre équipes qui devront imaginer des oeuvres intégrées de manière temporaire dans une partie du circuit de transport en commun sur rail. Les apprentis du 1 % devront respecter des contraintes précises liées au site choisi (la place des aiguilleurs dans le sud-ouest de Montréal), aux matériaux et à l’adoption de pratiques respectueuses de l’environnement. Le cours s’intitule Public Art and Sustainability.

Les étudiants sélectionnés sont issus des programmes d’arts, d’architecture ou de design des quatre universités montréalaises. Le cours sera répété (mais probablement avec d’autres thèmes) au cours des prochaines années à l’UdeM, à McGill et à l’UQAM. Cette initiative originale est financée par la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ). Les institutions d’enseignement se partageront 500 000 $.

« Cela fait au moins cinq ans qu’on travaille sur ce cours avec la Caisse de dépôt », explique Annie Gérin, doyenne de la faculté des beaux-arts de Concordia, en précisant avoir immédiatement proposé son université pour le premier volet de cette expérimentation. « C’est une opportunité extraordinaire de collaborer avec les trois autres institutions de Montréal. À chaque fois, le cours va se déplacer et à chaque fois des étudiants des quatre universités vont y participer. Cela va mixer des couleurs différentes. »

Critique éphémère

 

Le programme d’art du REM bénéficie d’une enveloppe de 7,8 millions au total. CDPQ Infra a bonifié de 3 millions le budget dudit 1 % de 4,8 millions imposé légalement par la Politique d’intégration des arts à l’architecture et à l’environnement. L’ajout volontaire va aussi servir à enrichir le legs culturel du nouveau réseau métropolitain avec des concours sur invitation.

« Il y a quelques années, je suis allée rencontrer la ministre de la Culture, Nathalie Roy à l’époque, pour lui demander d’extraire 500 000 $ pour faire de l’art temporaire, pour concevoir et installer des oeuvres qui resteront dans l’espace public de façon éphémère », explique Marie-Justine Snider, conservatrice de la CDPQ. « On voulait prendre une distance par rapport à la permanence d’art public et encourager des pratiques très actuelles, peut-être plus audacieuses », ajoute la conservatrice.

Cette idée piquant la curiosité comme un cactus lui est venue d’une conversation avec un professeur d’art qui réfléchissait déjà sur des sujets connexes dans ses cours et de l’exemple de la Canada Line à Vancouver qui expose temporairement des oeuvres d’étudiants de la Emily Carr University of Art + Design.

Mme Snider a conçu et dirigé le programme d’intégration au réseau, un des plus importants chantiers de transport en commun dans le monde actuellement. Trois concours artistiques ont déjà été tenus (la première installation devrait être visible cette année) et sept autres devraient suivre dans les prochaines années. Le plan n’exclut pas d’installer des oeuvres à l’extérieur des 25 stations du réseau.

Les vingt-deux étudiants sélectionnés (au moins deux fois plus voulaient une place) ne vont pas non plus explorer « créativement » autour d’une station. Les trois enseignants choisis pour diriger le cours sont eux-mêmes des artistes ayant déjà participé à des concours du 1 %.

« Le défi de réaliser des oeuvres temporaires avec le souci de l’écoresponsabilité correspond à mes propres préoccupations comme artiste », explique la professeure Kelly Jazvac qui a réalisé des oeuvres de cette nature en Ontario et au Québec. « L’art public, c’est toujours un défi, même pour un artiste bien établi. Il faut tenir compte du site, de sa signification, de son histoire, des matériaux. Il faut concevoir une oeuvre durable et sécuritaire. Le cours va offrir aux étudiants une chance unique de se familiariser avec ces contraintes. »

À mi-parcours, le groupe se transportera à New York, notamment pour voir l’intégration des oeuvres à la Highline. « C’est un projet phare reconnu sur le plan international, avec des oeuvres écoresponsables », note le professeur artiste Yann Pocreau qui complète le trio de titulaires avec son collègue Juan Ortiz-Apuy. « On veut voir ce modèle et voir ce qui fonctionne bien ailleurs, même si Montréal, avec son programme d’intégration du 1 % dans le métro, n’a pas nécessairement à envier le reste de la planète. »

L’écoresponsabilité, c’est déjà une position sociopolitique. D’autres pourraient-elles émerger ? D’autant plus que les théories critiques ne manquent pas dans les universités. Après tout, le REM a subi de nombreux reproches depuis son développement, par exemple pour son côté brutaliste et bruyant. Comment réagiront les tenants du programme si un Hans Haacke en herbe se présente ?

« Les artistes sont habitués à poser des questions, répond Mme Jazvac. Le but est de produire du bon art. Si quelqu’un arrive avec une proposition très critique, on va probablement l’encourager à la complexifier. Mais nous sommes ouverts aux idées, c’est la base du cours. »

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