Simon Brault part la tête haute du Conseil des arts du Canada

C’est la tête haute que Simon Brault terminera cet été son deuxième et dernier mandat à la tête du Conseil des arts du Canada (CAC), dont la situation financière se porte mieux que jamais. Celle de nombreux artistes au pays demeure cependant précaire, convient le directeur sortant, qui appelle les différents paliers de gouvernement à s’attaquer à cet enjeu.
M. Brault ne tentera pas de briguer un troisième mandat à la tête du CAC et quittera ainsi ses fonctions actuelles au sein de l’organisme le 23 juin prochain. L’ancien directeur général de l’École nationale de théâtre du Canada, qui a aussi été président de Culture Montréal de 2002 à 2014, aura dirigé le Conseil des arts pendant neuf ans, après y avoir été d’abord vice-président pendant 10 ans.
Il tournera ainsi la page sur 19 ans de sa vie pendant lesquels il a contribué à accroître les subventions accordées aux membres de la diversité et aux artistes issus des communautés autochtones, en plus d’aider le CAC à soutenir davantage la relève artistique et les organismes qui accompagnent celle-ci.
Je voulais vraiment que ce soit un mandat sous le signe de la démocratisation, de l’accès, et je me sens immensément privilégié d’avoir pu avancer dans cette direction avec mon équipe.
« Je ne m’en vais pas du tout parce que je ne suis pas content ou que je veux me reposer », assure en entrevue Simon Brault, qui envisage notamment d’entamer la rédaction d’un nouveau livre cet été. S’il part, c’est simplement parce que neuf ans à la tête du CAC, où la plupart des directeurs n’ont occupé qu’un seul mandat, c’est suffisant, lance-t-il au téléphone.
Depuis l’arrivée de M. Brault à la tête du CAC, l’organisme a effectué d’importants changements. Autrefois considéré comme une « banque qui distribue des subventions », le Conseil des arts est sorti de sa « tour d’ivoire » pour être « plus près des gens », se réjouit Simon Brault. L’organisme est aussi « davantage capable d’intervenir qu’avant » auprès des artistes, en grande partie en raison du doublement de son budget sur cinq ans entamé en 2016 par le gouvernement fédéral, sans compter l’aide financière additionnelle à laquelle le CAC a eu droit pendant la crise sanitaire.
« Je voulais vraiment que ce soit un mandat sous le signe de la démocratisation, de l’accès, et je me sens immensément privilégié d’avoir pu avancer dans cette direction avec mon équipe », estime M. Brault.
Des artistes laissés-pour-compte
Cette même pandémie a toutefois mis en lumière en parallèle « des injustices systémiques à régler et de multiples inégalités à combler, en plus de rendre encore plus évidents les problèmes endémiques de rémunération et le manque de protection sociale qui affectent la majorité des artistes et travailleuses et travailleurs de la culture », a relevé lundi le directeur sortant, dans une lettre ouverte parue sur le site Web du CAC. Il a alors déploré la progression « évidemment trop lente » des revenus des artistes canadiens, dans une critique à peine voilée du manque d’intérêt accordé à l’art par les différents pouvoirs publics.
« Le secteur des arts et de la culture, c’est un des rares secteurs de l’économie pour lequel on n’a pas encore trouvé une façon d’offrir un filet de sécurité sociale pour les gens qui y travaillent », poursuit M. Brault, en entrevue. De nombreux artistes ne peuvent pourtant travailler qu’une partie de l’année, comme bien d’autres travailleurs saisonniers dans différents domaines qui, eux, bénéficient d’un filet social financé par l’État, souligne M. Brault.
« Ça reste un secteur dont la valeur n’est pas encore reconnue par nos gouvernements », ajoute-t-il. Pourtant, pendant la pandémie, les artistes ont, « pour la première fois, été reconnus comme l’ensemble des travailleurs », en ayant droit eux aussi à la Prestation canadienne d’urgence, enchaîne le directeur sortant. « Donc, on sait que c’est possible », relève celui qui estime qu’une réforme de l’assurance-emploi pour mieux tenir compte de la réalité des artistes est « essentielle ».
Simon Brault estime d’autre part que la personne qui lui succédera, dont l’identité devrait être révélée prochainement, aura comme défi de trouver un « équilibre » entre le financement des artistes et des organismes émergents ainsi que celui des institutions artistiques bien établies. Et ce, au moment où la croissance rapide du budget du CAC dans les dernières années pourrait bien diminuer dans le contexte de ralentissement économique actuel.
« Évidemment, quand on regarde l’avenir immédiat, je ne crois pas qu’il y aura une croissance du budget [du CAC] aussi marquée ou prononcée dans les prochaines années », entrevoit Simon Brault. Ainsi, « je pense qu’il y aura un défi important de distribution des subventions pour s’assurer qu’il y ait une équité entre les différents groupes, les différentes disciplines artistiques, dit-il. Je pense que ce sera un des défis les plus importants des prochaines années ».