Bras de fer entre Mike Ward et l’Union des artistes
Mike Ward et l’Union des artistes (UDA) sont à couteaux tirés depuis plusieurs mois. L’organisation tente de forcer l’humoriste à payer les invités de son très populaire balado Sous écoute selon les normes syndicales. Dans l’entourage de la vedette, on s’explique mal pourquoi Sous écoute est pris pour cible par l’UDA, alors que les invités reçoivent déjà une rétribution, chose rare dans le milieu de la baladodiffusion au Québec.
Depuis l’avènement de Sous écoute en 2015, Mike Ward est devenu le maître incontesté du genre, allant même jusqu’à remplir le Centre Bell l’été dernier pour la captation de l’un des épisodes. Mais dans les premières années, quand la baladodiffusion en était encore à ses balbutiements au Québec, Sous écoute n’était pas rentable. Les invités n’étaient pas rémunérés. Ce n’est que depuis quatre ans qu’ils sont payés pour l’enregistrement, grâce aux revenus tirés des commanditaires et des abonnés.
Pourquoi s'attaquer à nous, alors que l'on paie déjà nos invités, même si on n'est pas subventionnés ?
Le gérant de l’humoriste, Michel Grenier, soutient que ce petit montant, qui est le même pour tous les artistes que Mike Ward interviewe, n’est pas si éloigné en tout et partout d’un cachet de l’UDA. Si Mike Ward est aussi réticent à se plier aux normes de l’Union des artistes, ce n’est pas pour une question d’argent, insiste-t-on.
« Ce n’est pas tant une question de frais qu’une question de charge de travail. Ça peut devenir très lourd, gérer des contrats UDA », laisse entendre Michel Grenier, qui précise que des négociations ont actuellement cours avec l’Union pour trouver un arrangement.
Pour un meilleur filet social
Grâce à la nouvelle Loi sur le statut de l’artiste, l’UDA dispose de nouveaux leviers pour imposer ses conditions planchers aux balados, un genre qui a connu un essor fulgurant durant la pandémie. Depuis l’an passé, tous les producteurs de balados qui reçoivent un avis de négociation sont forcés de s’asseoir à la même table que l’Union des artistes.
Le syndicat, qui représente plus de 13 000 artistes au Québec, rapporte que 17 producteurs de balados se sont greffés à sa plus récente entente-cadre conclue pour le secteur de la production sonore. En vertu de celle-ci, l’Union des artistes prélève une cotisation syndicale de 2,5 % sur le salaire de ses membres, et soutire un autre 2 % pour la Caisse des artistes. Cette convention collective force également les producteurs de balados à financer certains avantages sociaux des artistes. Une contribution qui s’élève à la hauteur de 15 % des cachets qu’ils versent aux artistes.
Toutes ces déductions échappent actuellement à l’UDA avec Sous écoute. « Les contrats sous l’autorité de l’UDA sont à l’avantage des artistes pour qu’ils puissent avoir un meilleur filet social. Ça leur permet de bonifier leur REER, d’avoir des assurances… Ce sont des travailleurs autonomes qui accumulent de petits contrats, donc c’est important qu’ils aient droit à ces protections », dit-on du côté du syndicat, en évitant soigneusement de commenter directement le cas de Mike Ward.
Les normes de l’UDA s’appliquent à Radio-Canada. Ainsi, un artiste qui est invité sur les ondes d’ICI Première, ou qui participe à un balado produit par le diffuseur public, reçoit un cachet. Ce n’est pas le cas par contre pour la radio privée, qui échappe complètement à la loi provinciale sur le statut de l’artiste et n’est assujettie qu’à l’autorité fédérale. Un artiste qui accorde une entrevue à une station privée n’est donc pas forcément rémunéré en retour. Une incongruité, selon le gérant de Mike Ward.
« Pourquoi s’attaquer à nous, alors que l’on paie déjà nos invités, même si on n’est pas subventionnés ? Pendant ce temps, les gros joueurs des radios privées, qui ont beaucoup plus de moyens, ne paient même pas les artistes, eux », illustre Michel Grenier, qui dit n’avoir jamais eu connaissance de plainte adressée à l’UDA visant Sous écoute.
L’exception parmi les balados
Michel Grenier mène les négociations avec l’UDA, qui s’étirent depuis plusieurs mois. Mike Ward n’y prend pas part. Mais il y a deux semaines, alors qu’il était l’invité du balado What’s up de l’humoriste Jerr Allain, il a confirmé avoir maille à partir avec l’Union. Jerr Allain a ajouté que son balado ne pourrait survivre s’il devait rémunérer ses invités membres de l’Union des artistes.
Joint par Le Devoir, PH Cantin, qui coanime le balado Sans filtre, abonde en ce sens. Sans filtre a beau bénéficier d’une importante visibilité, il n’empêche que le projet n’est pas rentable. Rémunérer les artistes invités sonnerait le glas du balado, qui n’est pas subventionné, rappelle PH Cantin. « On n’a jamais eu une plainte parce qu’on ne paie pas. On ne reçoit pas que des artistes, mais ceux qui viennent sont très heureux de venir. C’est une belle visibilité pour eux », mentionne-t-il.
PH Cantin est également l’un des producteurs de Sexe oral, l’un des balados les plus écoutés au Québec. À l’instar de Sous écoute avec Mike Ward, Sexe oral engendre aujourd’hui des revenus qui lui permettent d’être rentable. Les artistes qui acceptent de venir s’épancher sur leur vie sexuelle ne sont cependant pas rémunérés en retour, pas même dédommagés. Les producteurs de ce balado n’ont toutefois pas reçu d’avis de négociation de la part de l’UDA.