Le budget 2023 reçoit un accueil mitigé dans le milieu culturel

Le milieu culturel se montre partagé sur le budget 2023-2024 de Québec, qui prévoit 561 millions de dollars sur cinq ans pour la culture. Si les organismes saluent particulièrement les efforts pour encourager les jeunes à s’intéresser à la culture québécoise, plusieurs s’inquiètent du manque de soutien pour la production et la diffusion de celle-ci.
« C’est le principe de base. Si on veut que notre culture continue de s’épanouir, avec la mondialisation des marchés de plus en plus importante, c’est une très bonne initiative que d’investir pour intéresser les jeunes », souligne Annick Charette, présidente de la Fédération nationale des communications et de la culture (FNCC), affiliée à la CSN.
Sur le budget total de 561 millions, le gouvernement Legault a décidé d’accorder 101 millions à Télé-Québec au cours des cinq prochaines années. La chaîne pourra ainsi « réaffirmer son rôle en programmation jeunesse et bonifier ses services sur les différentes plateformes », a déclaré le ministre des Finances, Eric Girard, en dévoilant son budget mardi.
La FNCC-CSN pressait depuis des années le gouvernement à hausser le budget accordé à Télé-Québec, qui n’avait pas bougé depuis 25 ans. « Dans un univers en perpétuelle mutation et en grande concurrence comme la télé, c’était une nécessité depuis longtemps », affirme Mme Charette.
La présidente-directrice générale de Télé-Québec, Marie Collin, s’est évidemment réjouie de l’annonce, y voyant « un formidable geste de confiance envers Télé-Québec et envers l’ensemble de [ses] équipes ». La chaîne souhaite fidéliser les jeunes, qu’elle a tendance à « perdre » entre 9 et 14 ans en raison de la multitude de contenus qui leur sont accessibles. Pour cela, la priorité sera de les rejoindre là où ils consomment le plus de culture : sur les plateformes numériques.
Cet investissement consacré à la chaîne a également été salué par l’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec, la Guilde des musiciennes et musiciens du Québec, la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma et l’Union des artistes. « Nous sommes d’avis que Télé-Québec devrait être le diffuseur principal de la culture québécoise et agir en tant que vecteur des produits artistiques francophones », ont-ils commenté d’une même voix, dans un communiqué.
Ces derniers ont aussi applaudi la volonté du gouvernement de former davantage d’élèves au Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec. Le budget d’Eric Girard prévoit pour cela 16,8 millions de dollars sur cinq ans.
En vidéo | Marco Bélair-Cirino nous explique les coulisses du nouveau budget de Québec avec le ministre Eric Girard
Plus de numérique
Et puisque les jeunes générations passent beaucoup de temps dans l’univers numérique, le gouvernement investira davantage dans celui-ci. Ainsi, 95 millions y seront consacrés pour, entre autres, assurer une présence en ligne des contenus d’ici, promouvoir la culture québécoise à l’étranger et soutenir les entreprises qui contribuent à ce secteur.
Québec va aussi créer un passeport culturel numérique pour les jeunes afin d’encourager leur consommation de produits culturels québécois à plus faible coût. Une enveloppe de 4,2 millions sur deux ans sera consacrée au projet.
L’industrie du livre profite aussi du nouveau budget, avec 5,5 millions qui lui seront consacrés sur cinq ans. Les quelque 90 maisons d’édition au Québec toucheront un crédit d’impôt de 35 % (soit une augmentation de 7 %) pour les frais d’impression. Elles pourront déduire 65 % (au lieu de 50 % précédemment) de leurs dépenses de main-d’œuvre pour les frais préparatoires et d’édition numérique.
« Les enjeux actuels d’impression et de main-d’œuvre rendaient essentiel l’ajustement de cette mesure fiscale », soutient Jean-François Bouchard, président de l’Association nationale des éditeurs de livres. Il y voit un gain pour les créateurs, mais aussi pour les maisons d’édition, qui pourront être plus compétitives ici comme à l’étranger.
Les médias pourront quant à eux compter sur une aide de 13,3 millions sur cinq ans.
Et pour la création, la production, la diffusion ?
Par ailleurs, Québec prévoit 51 millions pour promouvoir la culture, ailleurs que sur le numérique, avec notamment du soutien à la diffusion de spectacles et au milieu du livre. Pas moins de 200 millions seront aussi mis à la disposition de la SODEC pour faire rayonner la culture québécoise.
Le gouvernement ne donne toutefois que peu de détails sur la façon dont ces sommes seront utilisées et réparties dans le milieu. Cette situation laisse nombre d’organismes culturels dans le flou quant au soutien réel qu’ils obtiendront.
« Le gouvernement semble en transition plutôt qu’en relance. Notre milieu a toujours autant besoin de prévisibilité et nous avons hâte de connaître les intentions précises quant aux crédits consacrés au secteur des arts vivants », fait valoir avec inquiétude David Laferrière, président de RIDEAU, qui regroupe 350 salles de spectacle.
Le Conseil québécois du théâtre abonde en ce sens. Les coprésidentes Rachel Morse et Laurence Régnier rappellent que le milieu est encore très fragile en raison de la pénurie de personnel, des problèmes de rétention liés aux salaires et aux conditions de travail, sans oublier l’inflation.
« Ça manque de vision, affirme Annick Charette de la FNCC-CSN. Les musées, les arts vivants et d’autres secteurs ont encore besoin d’aide. Ils n’ont pas tous retrouvé leur fréquentation d’avant la pandémie. »
De son côté, l’Association québécoise de la production médiatique se dit très déçue de voir que sa principale demande n’a pas été retenue, soit « d’ajuster le crédit d’impôt remboursable pour la production cinématographique et télévisuelle québécoise ».
À noter que le budget ne fait aucune mention du controversé projet d’Espaces bleus, très cher au gouvernement Legault. En entrevue avec Le Devoir début mars, le ministre de la Culture, Mathieu Lacombe, avait annoncé un ralentissement de l’implantation du réseau en raison des dépassements de coûts des premiers Espaces bleus annoncés.