Louisette Dussault, la Souris verte, s’en est allée

La comédienne Louisette Dussault dans «La Souris verte», une émission qui a marqué des générations d’enfants
Archives Radio-Canada La comédienne Louisette Dussault dans «La Souris verte», une émission qui a marqué des générations d’enfants

« Dix moutons, neuf moineaux… et une souris verte » s’en sont allés. Le Québec entier pleure Louisette Dussault. Formée au théâtre classique, véritable icône des enfants de toute une génération, la comédienne avait 82 ans.

À la télévision publique, pendant cinq ans, de 1966 à 1971, elle incarne la Souris verte. L’émission est rediffusée, sans interruption, jusqu’en 1976. Au nombre de ses scripteurs, on trouve l’écrivaine et dramaturge Denise Boucher. Pas étonnant que Dussault, vite très engagée socialement et politiquement, se trouve de l’aventure des Fées ont soif (1978), la pièce féministe de Boucher, véritable coup de tonnerre au milieu de la société québécoise.

Dussault va jouer aussi bien le théâtre de Michel Tremblay, de Jean-Claude Germain et de Marie Laberge que Molière, Ionesco ou Maeterlinck. Le public la connaît et l’aime pour son personnage de Marilyn dans le téléroman du même nom. Elle joue dans plusieurs autres téléromans, comme Chez Denise, Chop suey ou Le parc des Braves. Au cinéma, elle est de la distribution déjantée d’IXE-13 (1971), de Jacques Godbout, et joue notamment dans Bonheur d’occasion, de Claude Fournier (1983).

« Nos débuts, nos émois, nos rires, son rire, ses yeux pétillants, sa chanson chantée sur la tête dans Lysistrata, ses huit personnages en dix minutes dans Mistero buffo, Moman, la pièce qu’elle avait écrite et qu’elle a jouée si longtemps, sa tante dans C’était avant la guerre à l’Anse-à-Gilles, de Marie Laberge, et tout le reste », raconte en cascade Michel Tremblay en pleurant sa « Souisette », comme il l’appelait.

Une maternelle pour tous

Dans les années 1960, l’engouement pour les émissions pour enfants explose. Diffusée le matin, l’émission La Souris verte, avec ses différents personnages, se propose d’être « une véritable maternelle où l’enfant, sous un thème donné, sera appelé à observer les choses de plus près, à changer, à apprendre des mouvements de gymnastique, à bricoler et à dessiner ». Louisette Dussault raconte aussi des histoires aux enfants. Plusieurs émissions pour la jeunesse sont alors intégrées à un ensemble connu sous le nom de La boîte à surprise. La Souris verte, elle, jouit d’un statut éducatif à part.

« Une maternelle à domicile, demande Radio-Canada en 1966, n’est-ce pas la solution de trop jeunes enfants qui ne peuvent pas fréquenter la maternelle publique ? » Il s’agit en tout cas, affirme le diffuseur d’État, d’une solution « partielle pour les mères de famille qui habitent des centres trop éloignés pour donner l’occasion à leurs enfants de fréquenter une maternelle ». L’éducation, la seule affaire des femmes à l’époque ?

En 1966, l’émission existait déjà depuis deux ans, comme matinale quotidienne. Dans la grande tradition de la marionnette européenne, la Souris verte n’était alors qu’un personnage de tissu.

Deux disques des chansons de La Souris verte sont produits à l’enseigne de Radio-Canada. Pour en assurer la promotion, Louisette Dussault se présente en divers lieux publics, comme des centres d’achats, dans son costume de souris. Elle parle aux enfants. Elle leur offre son autographe : « Souris verte ».

Le nom du personnage renvoie à une comptine traditionnelle, chantée dans toute la francophonie au moins depuis la fin du XVIIe siècle. Cependant, ce sont les chansons originales de l’émission, écrites par Marie Racine sur des musiques du pianiste André Gagnon, qu’incarne Louisette Dussault.

Même après l’arrivée de Passe-Partout, le personnage de la Souris verte sera mis à profit durant des années, y compris dans les vraies maternelles. Louisette Dussault marque de la sorte des générations d’enfants qui, aujourd’hui devenus grands, pleurent son décès au nom de la vie persistante du passé.

Née à Thetford Mines en 1940, Louisette Dussault aurait voulu être entendue comme soprano. Sa mère, professeure de piano, enseigna longtemps la musique, notamment à Sherbrooke. L’actrice a étudié à l’École nationale de théâtre du Canada, et l’auditorium de la polyvalente de Thetford a été baptisé en son honneur.

Le rôle de cette petite souris espiègle colle définitivement à la peau de cette grande comédienne, qui jouera aussi dans la série pour enfants Picotine. Elle éprouve par moments le besoin d’écorcher l’image de la souris pour mieux passer à autre chose. Lorsqu’elle se présente comme candidate pour le Parti Rhinocéros, en 1972, elle devient alors, par dérision, la « Souris vârte ».

Au milieu des années 1990, Louisette Dussault a présidé le Conseil québécois du théâtre, tout en faisant entendre sa voix en faveur de la souveraineté du Québec.

À voir en vidéo