Le pari risqué de Jean-Sébastien Girard

Jamais Jean-Sébastien Girard n’avait envisagé auparavant d’être humoriste. Encore moins quand il étudiait en théâtre à l’UQAM et qu’il se plaisait à regarder de haut tout ce qui se rapproche un tant soit peu de la culture populaire.
Photo: Julien Cadena Le Devoir Jamais Jean-Sébastien Girard n’avait envisagé auparavant d’être humoriste. Encore moins quand il étudiait en théâtre à l’UQAM et qu’il se plaisait à regarder de haut tout ce qui se rapproche un tant soit peu de la culture populaire.

À 47 ans, Jean-Sébastien Girard sait qu’il risque gros en présentant son premier spectacle, Un garçon pas comme les autres. Un titre tout en ambiguïté, habile clin d’oeil à une chanson que d’aucuns qualifieraient de plaisir coupable, à l’image du personnage qui l’a rendu célèbre à La soirée est encore jeune. Mais, cette fois, il espère atteindre un public qui dépasse son socle radio-canadien. Pour cela, il lui a fallu apprendre à la dure un nouveau métier, celui d’humoriste, un défi beaucoup moins facile que pouvait s’imaginer au départ cet ancien snob venu du monde du théâtre.

« Au départ, j’allais dans toutes les directions. J’essayais de faire comme tous les humoristes et j’avais l’impression de ne pas être original. Ça a pris quelques lectures pour que je puisse trouver mon fil rouge. Je me suis rendu compte que ce qui fonctionnait le mieux, c’est quand ça partait de moi », raconte-t-il, attablé dans un petit restaurant italien de La Petite-Patrie, entre deux gorgées de latté.

Un latté, avec un sucre de surcroît, comme pour bien masquer l’amertume. Il y a encore en Jean-Sébastien Girard cet adolescent qui boit du café sans en aimer le goût. Ce côté un peu juvénile s’exprime dans son humour, qui vogue habilement entre la petite taquinerie et la moquerie plus grinçante. Et comme pour les enfants un peu trop agités, mais surdoués, on finit par lui pardonner ses excès. Car on sait qu’au fond, son intention n’a jamais été de blesser.

Le Jean-Sébastien Girard « dans la vraie vie » n’est au bout du compte pas si éloigné du personnage espiègle que les auditeurs ont côtoyé durant les dix ans de La soirée est encore jeune. Comme à la radio, il ne rechigne jamais devant une blague un peu caustique sur une vieille vedette sortie des boules à mites. Et oui, il s’entiche des reprises de Terre humaine et a pour meilleure amie sa propre mère.

Tout cela, évidemment, se reflète dans ce premier one-man-show très personnel, mais pas seulement, tient-il à préciser : « Je vais quand même plus loin dans la confession qu’à La soirée. Ce n’est pas une conférence, mais je me permets d’être plus sérieux. Je veux quand même que les gens en retiennent quelque chose. Oui, les fans de La soirée vont retrouver certaines choses, mais il ne faut pas non plus s’attendre à ce que je fasse des allusions à des running gags que l’on faisait en ondes. Je ne veux pas que ce soit un spectacle juste pour les initiés. »

Long apprentissage

La scène est aussi complètement différente de la radio. L’aspirant humoriste l’a compris durant le processus de rodage, qui l’a amené à donner une quarantaine de spectacles depuis cet été. « Les bonnes mauvaises blagues, ça ne fonctionne pas sur scène. Alors que j’ai fait ma marque de commerce à La soirée autour des blagues un peu “poches” qui allaient trop loin et des mauvais jeux de mots. J’avais toujours le public pour me huer au second degré. Ça, je n’ai pas ça sur scène. J’ai dû prendre conscience que je ne suis pas juste devant 50 hipsters au bar Chez Roger », souligne cet éternel anxieux, qui ne cache pas sa nervosité à quelques jours de la première médiatique.

Jean-Sébastien Girard était plus qu’hésitant au départ, lorsque Patrick Rozon, de Juste pour rire, lui a offert de produire son premier one-man-show. Certes, il avait eu la piqûre pour la scène lorsque les garçons de La soirée est encore jeune avaient présenté le spectacle Prédictions 2017 à la Place des Arts il y a six ans. Mais il avait aussi toujours en mémoire leur passage catastrophique au Gala ComédiHa ! en 2016. Ce soir-là, les quatre garçons ont cru que l’humour irrévérencieux qui avait fait leur succès auprès de l’auditoire branchouille de Radio-Canada saurait aussi charmer le public de Québec. Grave erreur. Ils sortiront de scène sous les huées de la foule, qui n’avaient rien du « second degré » cette fois.

« Pour être honnête, au début, j’appréhendais mes premiers spectacles en région à cause de ça. Finalement, mes salles où ça a le plus ri, ça a été Lavaltrie et le Petit Champlain », s’étonne celui qui dit maintenant se plaire en solo sur scène.

Ne pas bouder son plaisir

Jamais il n’avait envisagé auparavant d’être humoriste. Encore moins quand il étudiait en théâtre à l’UQAM et qu’il se plaisait à regarder de haut tout ce qui se rapproche un tant soit peu de la culture populaire, lui qui se passionne pourtant pour les chansons de variétés au rang des pâquerettes et les téléromans défraîchis. Jean-Sébastien Girard rêvait de devenir un grand comédien. Mais il déchanta rapidement. « J’étais vraiment mauvais », admet-il en riant aujourd’hui avec le recul.

Le lendemain de son spectacle de finissants, il se rappelle être le seul de sa cohorte à ne pas avoir été cité dans la critique du journaliste qui avait assisté à la pièce. Ultime humiliation, qui s’avérera surtout une grande leçon d’humilité. Jean-Sébastien Girard n’a jamais osé ensuite auditionner pour un rôle. Il se contenta de l’ombre, comme recherchiste à Radio-Canada, avant d’être repéré par Dominique Poirier, qui en fit l’un de ses chroniqueurs sur son émission L’après-midi porte conseil.

Sa célébrité tardive, il ne l’attendait plus, mais il en profite aujourd’hui pleinement. Jean-Sébastien Girard ne joue pas les faux artistes tourmentés, qui disent détester le vedettariat, mais qui sont effrayés en réalité à l’idée de retomber dans l’anonymat. Il aime être connu, être reconnu et il ne crache jamais sur un projet. Il se plaît autant à animer son nouveau talk-show sur la Première Chaîne, Jeannot BBQ, qu’à aller jouer à un jeu-questionnaire ou à se confier sur sa difficile relation avec son père dans une émission à heure de grande écoute à TVA. « Quand j’ai étudié en théâtre, je voulais être un genre de Roy Dupuis et me foutre de toutes ces affaires-là, mais je ne suis tellement pas comme ça. La vérité, c’est que j’aime ça aussi aller à Deux filles le matin », confesse-t-il avec beaucoup d’autodérision.

Jean-Sébastien Girard est sans l’ombre d’un doute « un garçon pas comme les autres ». Reste à voir maintenant si, dans le milieu déjà très saturé de l’humour, il est aussi un humoriste pas comme les autres.

Un garçon pas comme les autres

Un spectacle de Jean-Sébastien Girard. À L’Olympia les 14 et 15 mars, et du 19 au 21 avril, et partout au Québec ensuite.

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