Quel impact aura la réforme du statut professionnel de l'artiste sur les métiers d’art?

Les impacts de la réforme du statut professionnel des artistes se dessinent de plus en plus. On a beaucoup parlé des écrivains depuis l’adoption en juin dernier du nouveau projet de loi ; c’est aussi pour les artistes visuels et ceux des métiers d’art que les changements risquent d’être notables. Que prévoit-on du côté des métiers d’art ? Discussion avec le Conseil des métiers d’art du Québec (CMAQ).
« Les différents arts ont des pratiques et des réalités tellement différentes, c’est difficile de les satisfaire dans un cadre unique » comme celui d’une loi, contextualise d’emblée le directeur général du CMAQ, Julien Silvestre. Et la particularité des métiers d’art, poursuit-il, c’est que les artistes et artisans y sont très autonomes. À la fois employés, employeurs, diffuseurs, ils possèdent un profil qui ressemble un peu, dans le monde du livre, aux auteurs autoédités qui se diffusent eux-mêmes.
« La chaîne de création de la valeur économique est très courte en métiers d’art », et les enjeux y sont donc différents, jusqu’à créer même un petit fossé, ose le directeur. « Les artistes et artisans en métiers d’art travaillent seuls, et à court terme. » La refonte, croit-il, est venue régler les principaux points de tension.
Le changement majeur qu’apporte la refonte, c’est de donner de la reconnaissance aux artisans et de permettre leur valorisation prochaine, car il importe, estime M. Silvestre, de « changer la perception que les Québécois ont de leurs métiers d’art ». On les voit parfois davantage comme des producteurs d’objets, de petits entrepreneurs vendeurs que comme des créateurs.
« Qu’une céramiste de la trempe de Pascale Girardin, qui signe les décors de certains des plus grands hôtels dans le monde et les vitrines de magasins iconiques [Caesars Forum à Las Vegas, Printemps Hausmann à Paris, Saks Fifth Avenue à New York] ne soit pas davantage connue au Québec, pour nous, c’est un symptôme », diagnostique M. Silvestre.
Un syndicat pas pour demain
Maintenant, les artisans sont légalement sur le même pied que les artistes. Le CMAQ va-t-il, comme l’Union des écrivaines et des écrivains québécois, s’engager dans une suite d’actions visant à améliorer le métier ? Va-t-il devenir un syndicat, ou en créer un pour les quelque 1000 professionnels membres du CMAQ ?
« Je n’ai pas la réponse aujourd’hui, c’est ce qu’on va voir », indique M. Silvestre, même s’il s’avance déjà à dire qu’il ne pense pas imposer des cotisations syndicales ni entamer de grandes négociations en métiers d’art — ne serait-ce que parce que les artistes et artisans sont habitués à avoir des relations directes et individuelles avec les institutions, et que les « parties patronales » sont peu nombreuses et ne comptent que de rares lieux (Musée des métiers d’art du Québec du cégep de Saint-Laurent, le Centre d’art de La Sarre, et l’Espace Pierre-Debain à Gatineau).
« On va attendre deux à trois ans », pose M. Silvestre. Pour prendre le temps, voir et entendre, explique le directeur. « D’abord, pour savoir comment notre milieu va se restructurer suivant la nouvelle loi. Ensuite, pour voir comment nous, on va poursuivre notre mandat sous ces nouveaux auspices, mandat qui comprend la diffusion (avec la tenue d’événements), la représentation et le développement professionnel. »
Pour le développement professionnel, par exemple, le CMAQ pourrait collaborer sur certains aspects avec le Regroupement des artistes en arts visuels (RAAV), puisque certains apprentissages sont partagés. Il y a pourtant, là aussi, des clivages avec les arts visuels, où, dans le parcours universitaire, la démarche et l’intellectualisation des procédés sont beaucoup plus valorisées.
Changer la matière
« On s’attend à ce que nos artistes soient mieux rémunérés », évalue le directeur, surtout lors de leurs présences dans les institutions. « On aimerait pouvoir augmenter les lieux spécialisés en métiers d’art, et aussi la visibilité dans les autres musées. Peut-être aussi repenser ce qu’on peut faire avec l’annuel Salon des métiers d’art du Québec. On sait qu’il va y avoir une meilleure reconnaissance du travail, et on aura plus de leviers si se posent des questions de droits d’auteur — qui sont différentes chez nous, puisqu’on a de la pièce unique et de la petite série. »
« Représenter les métiers d’art, c’est représenter les savoir-faire sur la transformation de la matière, sur une échelle qui va de la pièce unique à la petite production », conclut M. Silvestre, pour illustrer la diversité des modes de fonctionnement.
Le Québec à la Biennale de Paris
À la prochaine Biennale internationale métiers d’art et création à Paris, au Grand Palais, le Québec sera à l’honneur. Trente-quatre artisans d’ici y sont invités, dont neuf issus des Premières Nations, et seront dévoilés le 9 mars prochain. L’événement, majeur pour les artisans d’ici, se tiendra en juin 2023.