Simon Gouache traverse le temps dans son troisième spectacle

Troisième spectacle de Simon Gouache en six ans, Live s’apparente fortement aux deux solos qui l’ont précédé. On retrouve le ton, la dégaine, la présence, mais surtout le regard singulier d’un homme à l’esprit vif, doté d’un redoutable sens de l’observation, qui s’interroge de façon désopilante sur sa vie quotidienne et sur celle de ses contemporains.
Ce qui est différent, cette fois, c’est l’ampleur du territoire exploré par l’humoriste de 38 ans, la manière dont ses préoccupations, aussi loufoques soient-elles, sont constamment teintées par son récent rôle de père. Il y a là une densité nouvelle, une maturité inédite. En effet, écrit en pleine pandémie, sur une longue période, des années déterminantes pendant lesquelles l’humoriste a vu naître ses deux enfants, aujourd’hui âgés de deux ans et de quatre mois, le spectacle s’articule autour de la notion de temps.
Tout en s’adonnant à un prodigieux coq-à-l’âne, en abordant dans la plus grande anarchie une multitude de sujets, Gouache exprime sa nostalgie du passé, ses angoisses face au présent et ses espoirs démesurés en ce qui a trait au futur. Il entrelace avec brio les souvenirs d’une enfance révolue, les inquiétudes bien actuelles d’un père aux aguets et les rêves d’un avenir aux technologies révolutionnaires. Celles et ceux qui ont aimé le plus récent spectacle de Phil Roy ne seront pas dépaysés.
D’entrée de jeu, l’humoriste né et élevé à Montréal y va d’une confession : il habite maintenant en banlieue ! Donnant allègrement dans l’autodérision, et même dans l’autodépréciation, Gouache n’hésite pas à mettre en relief sa lâcheté, sa faiblesse et son incompétence, notamment en ce qui concerne les travaux manuels. Alors que son voisin est expert en tout, des fondations à la toiture en passant par l’électricité, notre héros n’a rien d’autre à offrir en contrepartie que ses compétences en lien avec les lutteurs des années 2000, les Tortues Ninja ou bien Mario Bros.
Le bout sur l’émission Salut bonjour, que Gouache a écoutée pour la première fois grâce à son nouveau rythme de vie, est un véritable tour de force où le mime et les mimiques occupent une place fondamentale. Tout aussi époustouflante est la portion sur les débats à l’Assemblée nationale, ou encore celle concernant la passion dévorante des Québécois pour le calcium laitier et les raisins secs dans les années 1980 et 1990.
Vous aurez compris que Simon Gouache ne réinvente pas la roue. Son stand-up s’inscrit dans un registre classique, éminemment nord-américain, un chemin très fréquenté. Il ne donne pas dans l’absurde, ni dans l’étrangeté, ne cherche pas à interroger les inégalités, pas plus qu’à renverser l’ordre établi. Il lui arrive même, en de rares occasions, de flirter avec les lieux communs, notamment en ce qui concerne les rôles sexuels.
Cela dit, dans son terrain de jeu, un type d’humour basé sur une grande souplesse d’exécution et un savoureux sens de l’observation, il touche à l’excellence. Quand il fait mouche en usant d’un surcroît de finesse, comme lorsqu’il traite du génie, beaucoup moins répandu qu’on pourrait le croire, on a l’impression d’apercevoir l’humoriste qu’il pourrait bien devenir, l’un de ceux qui mettent leur indéniable talent au service d’une éclairante dissection des enjeux de société.