Étranglés financièrement, des festivals lancent un appel à prolonger les aides d’urgence pandémiques

Les organisateurs de festivals tirent la sonnette d’alarme et appellent les gouvernements à prolonger les aides financières d’urgence qui avaient été mises en place durant la pandémie. Sans quoi, ils craignent de ne pas pouvoir suivre l’importante hausse des salaires et des coûts de production, ce qui pourrait mettre en péril certains événements.
La crise sanitaire est peut-être chose du passé, mais les conséquences de la pandémie se font encore sentir dans le milieu de l’événementiel. La main-d’œuvre se fait par exemple plus rare aujourd’hui, comme plusieurs travailleurs ont quitté l’industrie culturelle durant la pandémie. Les festivals sont ainsi forcés d’offrir de meilleures conditions salariales pour attirer des employés.
En trois ans, la masse salariale aurait augmenté de 30 à 50 % dans les festivals, indique-t-on dans une lettre transmise lundi aux trois ordres de gouvernement. « Le financement actuel des divers paliers gouvernementaux ne nous permet plus de maintenir les emplois nécessaires dans le futur », peut-on y lire.
Parmi les signataires de la missive, dont Le Devoir a obtenu copie, se trouvent les dirigeants des principaux festivals de la métropole qui ne gravitent pas autour d’Evenko, comme Nuits d’Afrique, Fantasia, les Rendez-vous Québec Cinéma ou encore Montréal complètement cirque.
Déjà bénéficiaires de subventions, ils considèrent que celles-ci ne sont pas suffisantes pour faire face au contexte postpandémique. Ils réclament que les mesures financières instaurées par Québec et Ottawa durant la pandémie soient remises en place, pour un temps du moins.
« On est conscients que ces aides doivent suivre une courbe décroissante. Mais il faut absolument qu’on ait des aides supplémentaires pour atténuer le choc par rapport à l’an dernier », a précisé en entrevue au Devoir David Lavoie, directeur du Festival TransAmériques (FTA), qui fait partie des 16 signataires.
Ce festival, qui se veut une vitrine pour la danse et le théâtre contemporains, a pu toucher les aides gouvernementales d’urgence jusqu’à cet été. De quoi donner à l’événement la marge suffisante pour organiser sa 17e édition, au printemps prochain, sans avoir à repenser ses ambitions. Mais l’avenir paraît incertain si rien n’est fait, s’inquiète son directeur.
« Pour être honnête, les aides spéciales ont permis aux organisations l’an passé d’éponger leur déficit ou même de dégager des surplus. Nous, par exemple, on a fait un déficit de 200 000 $ qu’on a réussi à absorber. Pour 2023, ma survie n’est donc pas menacée. Mais je sais que je vais finir en déficit si je ne reçois pas plus d’aides. Je ne sais pas comment je vais faire pour organiser 2024. C’est certain que je dois couper dans ma programmation, couper dans mon équipe », illustre-t-il avec désarroi.
Rattrapés par l’inflation
Le FTA embauche 15 personnes à temps plein. Durant le festival, le nombre des effectifs grimpe à 200. Impossible de remplacer tous ces gens par des bénévoles afin d’économiser sur la masse salariale, soutient David Lavoie : « On a déjà des bénévoles. On peut y avoir recours pour des tâches qui ne sont pas spécialisées. Mais si on réussit à avoir une soixantaine de bénévoles durant une année, c’est beau. Ça ne pourra jamais remplacer des techniciens. »
Et il n’y a pas que les salaires qui ont augmenté à une vitesse folle. Les coûts de production ont aussi explosé. « Les billets d’avion, l’hébergement, la location d’équipements, tout coûte plus cher. Nos coûts de production ont augmenté entre 30 et 40 % », estime le directeur général de MUTEK, Alain Mongeau, qui a également signé la lettre. Ce festival de musique électronique s’ouvrira en août avec un manque à gagner de 200 000 $.
« On a pas mal retrouvé nos repères l’an passé avec le public. Mais le contexte a complètement changé. Tout a augmenté à cause de l’inflation. Le soutien pendant la pandémie, c’était une chose, mais le retour à la normale ne se fera pas du jour au lendemain », affirme-t-il.