«15 brefs essais sur l’amour»: l’amour à toutes les sauces

Trois des autrices de l’ouvrage 15 brefs essais sur l’amour, Carmélie Jacob, Mylène Mackay et Marilyse Hamelin
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Trois des autrices de l’ouvrage 15 brefs essais sur l’amour, Carmélie Jacob, Mylène Mackay et Marilyse Hamelin

« Ça veut dire quoi, aimer ? » Pour la Saint-Valentin, l’autrice et féministe Marilyse Hamelin nous encourage à mettre de côté les traditionnelles fleurs, boîtes de chocolats et soupers aux chandelles pour plutôt réfléchir collectivement sur la signification de l’amour avec un grand A.

« C’est quoi, l’amour ? Comment on aime ? Qui on aime ? Pourquoi on aime ? C’est un sujet tellement évident, c’est tellement dans notre face qu’on ne le voit plus, on ne le questionne plus. Et pourtant, il y a beaucoup à dire, beaucoup à apprendre encore », soutient en entrevue Marilyse Hamelin, qui est à l’origine de l’essai 15 brefs essais sur l’amour, qui paraîtra mardi aux éditions Somme toute.

Dans ce recueil, 14 auteurs ont joint leur voix à la sienne pour livrer leurs réflexions sur ce thème universel. Parmi eux : l’humoriste Maude Landry, la comédienne Mylène Mackay, l’autrice Maude Nepveu-Villeneuve, la médecin psychiatre Ouanessa Younsi et la militante Laura Doyle Péan.

À travers les quelque 150 pages du livre, les récits s’enchaînent, se croisent, s’opposent parfois. On y parle de coup de foudre, de romantisme, d’amour conjugal, mais aussi d’amours toxiques, d’orientation sexuelle, de célibat. Il est également question d’amour de la langue française, d’amour des animaux, et d’amour-propre. Parce que oui, l’amour, ça se mêle à toutes les sauces.

Amour-propre

Avec ce recueil, Marilyse Hamelin a ainsi voulu déconstruire et décortiquer l’amour pour offrir à tous un livre qui se veut « une thérapie, un exorcisme, une méditation ». Elle-même s’est mise à nu, prenant la première la plume. « C’est crissement pas facile, l’amour », commence-t-elle. Le ton est donné.

« L’amour, c’est beaucoup de travail. C’est tout sauf un conte de fées », résume celle qui se décrit comme une éternelle angoissée face à l’amour romantique. Pourtant, elle n’hésite pas à « se montrer vulnérable » en livrant sa propre expérience.

Mais s’il y a une chose à retenir de son propos, c’est l’importance de s’aimer soi-même. « C’est le point de départ. Il faut s’aimer pour être capable d’aimer autrui. Malheureusement, on vit dans une société où c’est mal vu de dire “je m’aime”, c’est perçu comme de la vanité, alors que c’est la base », estime-t-elle.

Cette notion d’amour-propre revient dans plusieurs textes du recueil, dont celui de la comédienne Mylène Mackay, qui livre un puissant plaidoyer contre les amours toxiques.

Pleine d’humour, la première partie de son texte prend la forme d’une (longue) liste de « red flag » à ne jamais ignorer au premier rendez-vous. Des exemples ? « Il veut faire de vous sa muse : red flag. Il veut faire de vous son infirmière : red flag. Il vous explique la Vie : red flag. Il parle en mal de sa mère ou de son ex : red flag. »

Sa mise en garde se transforme en cri du coeur, en un « refus total des amours toxiques ». « Ce texte s’inspire de ces dernières années de violences qu’on a vécues avec la pandémie, les vagues de dénonciations et les féminicides », précise Mylène Mackay en entrevue.

Les amitiés aussi

Pour Carmélie Jacob, chargée de cours en littérature à l’UQAM, parler d’amour, c’est réfléchir sur la place que nos amis occupent dans notre coeur et arrêter de penser l’amour uniquement dans sa forme romantique.

« Pourquoi notre amour, notre temps ne pourraient-ils pas être répartis entre plusieurs personnes importantes dans nos vies plu­tôt que concentrés sur une seule ? » se questionne-t-elle. Car on met beaucoup de pression sur une seule personne en s’attendant à ce que notre amoureux soit aussi notre meilleur ami, notre partenaire de voyage, notre acolyte de boisson, notre conseiller financier, notre coparent, notre thérapeute, notre confident ou encore notre mentor.

« Il faut cesser de concentrer notre amour à une seule et même place », souligne Carmélie Jacob en entrevue, invitant tout un chacun à se questionner : « Puis-je me tourner vers quelqu’un d’autre pour élever un enfant, pour acheter une maison, pour partir faire le tour du monde ? La réponse sera souvent oui, plein de modèles existent. »

Où sont les hommes ?

Sans trop de surprise, la majorité des personnes ayant pris part au collectif sont des femmes. « J’aurais aimé entendre la vulnérabilité des hommes à ce sujet… mais visiblement, c’est encore tabou », regrette Marilyse Hamelin. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé. Elle raconte avoir sollicité une dizaine d’hommes et essuyé presque autant de refus. Le seul à avoir accepté d’emblée est l’auteur Julien Gravelle.

« J’étais un peu déçue de voir tous ces hommes lever le nez sur le sujet. Mais l’essai de Raphaëlle Corbeil m’a permis de mieux comprendre pourquoi », souligne-t-elle.

Dans son texte, Raphaëlle Corbeil parle du déséquilibre amoureux chez les couples hétérosexuels, les femmes — elle la première — étant généralement plus impliquées dans leur relation que leur partenaire. L’autrice, qui est aussi enseignante en sociologie, explique comment notre socialisation genrée joue un rôle dans ce déséquilibre amoureux.

Dès la plus tendre enfance, on berce les filles avec des histoires d’amour et on raconte aux garçons des histoires d’aventures. « Si on apprend aux garçons à se désintéresser de l’amour, voire à en être dégoûtés, comment peut-on s’attendre à les voir construire des relations amoureuses épanouissantes une fois adultes ? »

« Je n’avais jamais réfléchi à la question sous cet angle, reconnaît Marilyse Hamelin. Et c’est là toute la richesse de ce recueil, qui ne cesse de me faire réfléchir chaque jour. Il a changé ma vie, et j’espère qu’il va changer celle des autres aussi. »

15 brefs essais sur l’amour. Petits et grands chantiers de reconstruction.

Sous la direction de Marilyse Hamelin, éditions Somme toute, 2023, 144 pages.



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