Bonhomme ouvre son palais aux rois et aux reines de la drag

La température glaciale n’a pas su refroidir les ardeurs des queens et du king venus mettre un peu d’arc-en-ciel samedi dernier.
Carnaval de Québec Audet Photo La température glaciale n’a pas su refroidir les ardeurs des queens et du king venus mettre un peu d’arc-en-ciel samedi dernier.

Bonhomme a convié une royauté nouveau genre à son 69e Carnaval. Finies les duchesses, place maintenant aux drag queens et aux drag kings ! Leur art flamboyant est à l’honneur cette année, célébré sur un char allégorique pour la toute première fois dans l’histoire du célèbre défilé de Québec.

L’exubérance, le faste et le style faisant partie intégrante des ingrédients qui épicent leur performance, le mariage entre le drag et le Carnaval de Québec allait presque de soi. Enfin presque, puisque l’apparat de glam et de paillettes de ces reines et de ces rois s’accommode souvent mieux des chaleurs de l’été et des défilés de la fierté que du froid mordant de février.

Samedi dernier, le mercure indiquait -36 degrés Celsius lors de la déambulation carnavalesque dans la basse-ville. Une température certes glaciale, mais qui n’a pas su refroidir les ardeurs des queens et du king venus mettre un peu d’arc-en-ciel dans le gel, et qui vont remettre ça à l’occasion du défilé de la Haute-Ville, sur Grande Allée, le 11 février prochain au soir.

« Nous avions le mandat d’aller chercher le côté flamboyant et extravagant de la drag, explique Barbada, directrice artistique du char. En même temps, je voulais mettre les drag à l’honneur, sans donner aux gens l’impression d’assister à un défilé de la fierté. »

C’est donc à un gala avec tapis rouge, trophées et paparazzis que le char drag convie le public pour la deuxième et dernière fois. Sur la scène roulante, les reines Dory Ladrag, Scarlett Schatzi et Stevie interprètent les idoles de la chanson d’ici, soit Céline Dion, Marie-Mai et Ginette Reno. Flexi Rider, un drag king incarné par une Australienne ayant récemment atterri à Québec, entre quant à lui dans la peau du trublion Hubert Lenoir. Cheffe d’orchestre de cette joyeuse bande : Adriana, célèbre pour son passage remarqué à l’émission Canada’s Drag Race.

« C’est un hommage à de grands noms d’ici qui rejoignent toutes les générations, souligne Barbada. Ça nous permettait de montrer le talent et la palette de nos artistes drags dans le lip sync, un domaine dans lequel nous excellons ! Tous les artistes à qui j’ai demandé ont dit oui instantanément. »

Un Carnaval de son temps

Le Carnaval de Québec a adopté cette année une politique pour célébrer la diversité, tant sexuelle que culturelle. Sur son char, Bonhomme est accompagné de carnavaleuses et de carnavaleux de tous les horizons, notamment autochtones.

« Nous essayons de plus en plus de mettre en avant la diversité, explique Florent Tanlet, directeur des communications, du marketing et de la commercialisation pour le Carnaval. Déjà, la coconceptrice du char de Bonhomme, celui qui ouvre nos défilés, est une Huronne-Wendate de Wendake. »

Autrefois, le Carnaval mettait à l’honneur le folklore québécois. Camps de bûcheron et chalets en bois rond ont aujourd’hui cédé le pas à des soirées hip-hop ou électro. Le Carnaval évolue avec son époque, explique Florent Tanlet, et il se veut un mélange « de traditions québécoises, de modernité et de bris de convention ».

L’événement se veut ouvert à tous et à toutes, souligne le directeur, notamment à toutes les réalités familiales. Familles traditionnelles, familles monoparentales, familles recomposées ou familles avec parents de même sexe : toutes ont désormais une roulotte accolée au camping pour pouvoir langer, allaiter, se réchauffer, etc.

« Le Carnaval est un événement inclusif, ouvert à tous et à toutes, maintient Florent Tanlet, que la personne soit issue de la diversité culturelle, sexuelle, ou les deux. »

Sortir l’art de la drag du ghetto

Le défilé du Carnaval offre une vitrine rêvée à l’art de la drag, selon Barbada. « C’est l’occasion d’atteindre un public qui connaît peut-être mal, voire pas du tout, ce que nous faisons, poursuit-elle. C’est une manière de rendre ça accessible et de montrer que les spectacles de drag peuvent s’adapter pour tous les publics. »

Pour le Carnaval, les artistes ont mis de côté l’aspect olé olé qui assaisonne certaines prestations réservées à un public plus averti. Les jupes, parfois courtes, ont aussi rallongé — pour préserver le caractère familial d’abord, pour ne pas taquiner l’engelure plus que nécessaire ensuite.

« C’est l’élément pour lequel je milite depuis presque toujours, ajoute Barbada : essayer de démocratiser l’art de la drag, de le rendre accessible et de le “déghettoïser” des bars et des cabarets. Le Carnaval, en invitant les drags à participer à leur tout premier défilé hivernal au Québec, nous permet de le faire. »

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