Yannick Nézet-Séguin remporte deux Grammy

Le maestro Yannick Nézet-Séguin a remporté dimanche soir deux prix Grammy, remis lors du Premier gala. À titre de directeur musical et chef du Metropolitan Opera Orchestra et du Metropolitan Opera Chorus, le Québécois récolte le prix du Meilleur enregistrement d’opéra pour Fire Shut Up in My Bones, du compositeur et jazzman afro-américain Terrence Blanchard. Puis, à titre d’accompagnateur au piano, dans la catégorie du Meilleur album solo vocal classique pour Voice Of Nature — The Anthropocene, interprété par la réputée soprano américaine Renée Fleming.
Opéra en trois actes dont le livret est signé par l’actrice, scénariste et réalisatrice Kasi Lemmons, Fire Shut Up in My Bones de Terrence Blanchard fut d’abord créé à l’Opera Theatre of Saint Louis en 2019 avant d’être présenté à nouveau en septembre 2021 par le MET. Il s’agit de la première oeuvre d’un compositeur afro-américain à avoir été présentée au MET.
« Mon rôle depuis quelques années à la tête du Philharmonic Orchestra et du MET — les plus importantes institutions en Amérique et dans le monde — est non seulement de préserver la qualité artistique de celles-ci, mais aussi d’en ouvrir, modifier, le répertoire, d’utiliser les ressources incroyables de ces institutions pour inclure des compositrices et compositeurs qui ont été négligées et des communautés qui se sont senties moins bienvenues dans notre sacro-saint milieu de la musique classique », a commenté Yannick Nézet-Séguin au Devoir, faisant référence à son premier Grammy remporté l’an dernier, celui de la Meilleure performance orchestrale des Symphonies nos 1 et 3 de la compositrice afro-américaine Florence Price, cette fois alors qu’il dirigeait le Philadelphia Orchestra. « Je prends ça comme des signes d’encouragement très forts qu’au sommet de la pyramide de la musique classique – c’est-à-dire Philadelphia et au MET – on peut faire une différence. C’est comme ça que le visage de la musique classique changera, et je suis conscient de ma responsabilité à cet égard. »
Fire Shut Up in My Bones est le second opéra composé par Blanchard, un récit adapté des mémoires du journaliste Charles Blow qui raconte le parcours du protagoniste, jeune Afro-Américain ayant grandi dans le dénuement et la violence et qui, une fois adulte, fait la paix avec son passé. L’enregistrement de cette performance fut édité par la maison de disques du MET Opera.
La cantatrice Renée Fleming partage son Grammy avec Yannick Nézet-Séguin, qui l’accompagne au piano sur Voice Of Nature — The Anthropocene, répertoire d’airs mariant le romantique et le contemporain, de Fauré et Liszt au jeune Nico Muhly édité par Decca en octobre 2021. « Ce prix m’est particulièrement émouvant, parce que le piano est mon instrument, nous dit le musicien. C’est durant la pandémie que j’ai eu le temps d’approfondir ce que j’avais perdu lorsque ma carrière en tant que chef était en ascension ; aujourd’hui, c’est complémentaire à ce que j’accomplis sur le podium. »
Le chef d’orchestre fut le seul Québécois nommé dans une (ou quatre, en ce qui le concerne) catégorie de la 65e édition de la remise des prix Grammy à mettre la main sur le gramophone doré. En lice dans la catégorie du Meilleur enregistrement dance/électronique pour sa collaboration avec H.E.R. (Intimidated), le compositeur Louis Kevin Célestin, alias Kaytranada, s’est fait battre par l’étoile de la journée, Beyoncé (et sa chanson Break My Soul). La populaire musicienne s’amenait à la cérémonie avec neuf nominations, plus que n’importe quel autre collègue.
Arcade Fire était nommé dans la catégorie du Meilleur album alternatif, mais en toute lucidité, les chances que son album WE puisse l’emporter paraissaient bien minces face à l’excellence de ses concurrents, Björk, Big Thief et Yeah Yeah Yeahs ; c’est le jeune duo post-punk britannique Wet Leg qui l’a finalement cueilli au podium, tout juste après s’être fait récompenser du Grammy de la Meilleure performance de musique alternative pour leur infectieuse chanson Chaise Longue.
Xavier Dolan comptait ses chances de remporter le prix du Meilleur vidéoclip pour son travail sur Easy on Me d’Adele, mais Taylor Swift et son producteur Saul Germaine lui ont ravi le prix pour All Too Well : The Short Film. Enfin, dans la catégorie du Meilleur album reggae, le duo de compositeurs montréalais Banx&Ranx espérait que le fruit de son travail sur le récent album de Sean Paul soit reconnu – il signe six des seize chansons de Scorcha -, or le trophée fut remis à Kabaka Pyramid pour The Kalling.
En revanche, il y avait un peu de nous dans l’attribution d’un tout nouveau prix créé cette année par la Recording Academy : Meilleure bande sonore pour jeu vidéo et autres médias interactifs. Ce prix inaugural fut remporté par la compositrice américaine Stephanie Economou pour son travail sur Assassin’s Creed Valhalla : Dawn of Ragnarok, un jeu développé par Ubisoft Montréal. En recueillant son prix, Stephanie Economou a tenu à saluer le Montréalais Simon Landry, superviseur musical du projet.
Cette longue première cérémonie a distribué presque 70 prix dans des catégories artistiques et techniques. Parmi les victoires remarquables, saluons d’abord le premier Grammy en carrière pour l’actrice Viola Davis (Meilleur livre audio pour Finding Me), qui devient ainsi la 18e artiste de l’histoire des galas américains à atteindre le EGOT, c’est-à-dire remporter un Emmy, un Grammy, un Oscar et un Tony Awards.
Ozzy Osbourne vient d’annoncer sa retraite de la scène, mais il n’a pas quitté l’esprit de l’Académie, remportant deux Grammys (Meilleure performance métal pour Degradation Rules et Meilleur album rock pour Patient Number 9). Le compositeur japonais Masa Takumi a créé la surprise dans la catégorie du Meilleur album « global music » en battant l’immensément populaire Burna Boy grâce à son album Sakura.
Avec sept nominations, l’autrice-compositrice-interprète Brandi Carlile s’est également distinguée en remportant trois gramophones — Meilleure performance rock, Meilleure chanson rock et Meilleur album americana pour In These Silent Days. L’Espagnole Rosalía a gagné le Grammy du Meilleur album rock ou alternatif latino pour MOTOMAMI, la jeune Samara Joy celui du Meilleur album jazz vocal (pour Linger Awhile) et la compositrice et batteuse Terri Lyne Carrington celui du Meilleur album jazz instrumental (pour New Standards Vol.1). Enfin, l’incontournable Kendrick Lamar a remporté, à juste titre les prix de la Meilleure performance rap et de la Meilleure chanson rap grâce à The Heart Part 5.