Fronde pour sauver la Maison des écrivains

L’UNEQ a annoncé en décembre dernier qu’elle allait se départir d’ici le printemps de la Maison des écrivains, située tout près du square Saint-Louis, pour des raisons financières.
Valérian Mazataud Le Devoir L’UNEQ a annoncé en décembre dernier qu’elle allait se départir d’ici le printemps de la Maison des écrivains, située tout près du square Saint-Louis, pour des raisons financières.

Après être revenue sur sa décision d’imposer une cotisation syndicale à l’ensemble des auteurs au Québec, l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ) est une fois de plus critiquée. Cette fois, des membres et d’anciens dirigeants de l’organisation contestent la vente de la Maison des écrivains, le siège social historique de l’UNEQ près du square Saint-Louis, et exigent un vote sur la question.

L’UNEQ a annoncé en décembre dernier qu’elle allait se départir d’ici le printemps de la Maison des écrivains pour des raisons financières. Le syndicat compte déménager dans les bureaux de l’Union des artistes (UDA), ce qui lui permettra de réaliser des économies, alors que la récente réforme sur le statut de l’artiste lui confère davantage de responsabilités.

Or, plusieurs auteurs expriment ces jours-ci sur les réseaux sociaux leur attachement à cette maison ancestrale, qui sert non seulement de siège social à l’UNEQ depuis 1992, mais qui permet aussi d’organiser toutes sortes d’événements en lien avec la littérature. La décision de vendre a été prise en septembre par le conseil d’administration, ce qui est « antidémocratique au plus haut point », tonne l’ancien directeur général de l’UNEQ Pierre Lavoie.

La décision de mise en vente semble avoir été prise en catimini par le conseil d’administration.

 

« La Maison des écrivains n’appartient pas qu’au conseil d’administration, elle appartient à tous les membres, et plus largement à tous les Québécois, car les gouvernements y ont investi beaucoup d’argent », rappelle celui qui a dirigé l’UNEQ de 1993 à 2010.

Valeur sentimentale

Pierre Lavoie est convaincu que les futurs bureaux de l’UNEQ dans un immeuble commercial ne seront pas aussi accueillants pour les auteurs. Il se désole qu’on cherche à vendre un joyau comme la Maison des écrivains, située tout près du square Saint-Louis, lieu mythique où nombre d’artistes et d’auteurs québécois ont habité. La Maison des écrivains a d’ailleurs déjà appartenu au cinéaste Claude Jutra. Elle est également située à quelques pas de ce qui fut la résidence d’Émile Nelligan.

L’UNEQ l’avait acquise en 1990 pour près de 335 000 $. Sa valeur est aujourd’hui estimée à 2,4 millions. Danièle Simpson, qui a été présidente de l’UNEQ de 2010 à 2016, doute cependant que l’UNEQ puisse tirer profit de cette vente. Durant son passage à la tête du syndicat, il avait déjà été question de liquider la Maison des écrivains. Mais elle se souvient que, rapidement, on était venu à la conclusion que la vente n’en valait pas la peine.

« La maison est évaluée à 2,4 millions, mais est-ce que le marché actuel va permettre de vendre à ce prix-là ? En annonçant déjà que le déménagement aura lieu au printemps, est-ce que ça ne met pas de la pression pour trouver un acheteur le plus rapidement possible ? Ce sont toutes des questions qui auraient dû être débattues en assemblée. Il y a probablement des réponses légitimes, mais il n’y a pas moyen de le savoir, car on refuse de nous consulter », dénonce Mme Simpson.

À l’instar de Pierre Lavoie, l’ancienne présidente de l’UNEQ s’oppose à la vente de la Maison des écrivains. Mais elle se plierait à la décision si c’était le verdict d’un vote en assemblée générale. Membre de l’UNEQ depuis plusieurs années, la romancière Élisabeth Vonarburg est également d’avis que la vente de la Maison des écrivains devrait au moins être entérinée par un vote des membres. « La décision de mise en vente semble avoir été prise en catimini par le conseil d’administration. Ça met en lumière un problème de gouvernance au sein de l’UNEQ », ajoute l’autrice de science-fiction, en faisant également allusion à toute la saga autour des cotisations.

Décision définitive

Rappelons que l’UNEQ avait statué en juin dernier lors d’une assemblée générale, à laquelle participaient à peine 46 personnes, que ses 1600 membres devraient lui verser une cotisation syndicale de 2,5 % de leurs revenus. Celle des auteurs non membres avait été fixée à 5 %. Cette décision, qui n’avait été rendue publique qu’au début décembre, avait soulevé un tollé dans le milieu littéraire. L’UNEQ est finalement revenue sur sa décision entre Noël et le jour de l’An à cause d’un vice de procédure dans le courriel de convocation.

Une assemblée générale aura donc lieu dans les prochaines semaines afin de tenir un nouveau vote au sujet des cotisations. Mais pas question d’ajouter la vente de la Maison des écrivains à l’ordre du jour de cette assemblée extraordinaire. Dans un courriel envoyé la semaine dernière au Devoir, l’UNEQ réitère que la décision de son conseil d’administration est définitive.

« Toute décision financière, que cela concerne les placements, la vente ou la location de biens immobiliers, entre autres, est du ressort du conseil d’administration, qui a été élu par les membres et mandaté par ceux-ci pour gérer les affaires de l’organisation », a souligné la présidente actuelle, Suzanne Aubry, en écartant complètement la tenue d’un vote.

Dans son courriel, Mme Aubry a également insisté sur l’énorme charge financière que représente la Maison des écrivains. Elle mentionne que les coûts d’entretien et d’assurance ne cessent d’augmenter, et que des travaux de rénovation auraient été nécessaires dans les prochaines années.

Qui plus est, l’UNEQ bénéficie depuis 2017 d’une exemption sur les taxes foncières, mais celle-ci devrait être réévaluée bientôt, ce qui pourrait entraîner une explosion des dépenses. « Un montant exorbitant de taxes foncières qui pourrait s’évaluer autour de 70 000 $ à 80 000 $», estime l’UNEQ, « soit de 6 à 8 % environ du budget de l’association ».


Une version précédente de ce texte, qui mentionnait que l’UNEQ avait acquis la Maison des écrivains pour près de 900 000 $ en 1990, a été corrigée. Ce sont les investissements sur la Maison qui ont été de près de 900 000 $ entre l'achat et l'ouverture, en 1992.

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