Critiquée, l’UNEQ biffe sa décision

La Maison des écrivains au square Saint-Louis, à Montréal
Valérian Mazataud Le Devoir La Maison des écrivains au square Saint-Louis, à Montréal

Sous pression depuis deux semaines, l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ) revient finalement sur sa décision et convoquera une nouvelle assemblée générale pour déterminer les cotisations que les auteurs auront à lui verser. L’UNEQ avait soulevé l’ire en s’octroyant une cotisation syndicale de 2,5 % sur les revenus de ses membres et de 5 % sur ceux de ses non-membres.

Ces montants avaient été fixés en juin lors de l’assemblée générale annuelle, à laquelle n’avaient participé que 46 personnes par visioconférence. L’UNEQ n’avait fait connaître le résultat du vote auprès de ses 1600 membres qu’en décembre, ce qui lui a valu nombre de critiques dans le milieu littéraire ces derniers jours, notamment de plusieurs auteurs connus.

Plusieurs ont accusé l’UNEQ de manquer de transparence et ont contesté la légitimité de ce vote. D’autres ont reproché à l’UNEQ d’imposer une cotisation deux fois plus élevée aux auteurs non membres, alors que ces derniers n’avaient même pas été invités à l’assemblée générale. Le syndicat des écrivains s’est toujours défendu en affirmant que tous les membres avaient été invités à participer à la rencontre et que le contenu de celle-ci avait été rendu public au préalable.

Or, c’est là où le bât blesse. Comme le rapportait Le Devoir dans ses pages jeudi matin, les membres n’ont jamais su qu’un vote sur l’épineuse question des cotisations allait se tenir lors de cette assemblée générale. Le mot « cotisation » n’apparaît ni dans l’invitation par courriel ni dans l’ordre du jour.

Dans une lettre envoyée à ses membres mercredi en fin de soirée, l’UNEQ dit en avoir pris acte après en avoir été mis au courant la semaine dernière par l’un de ses membres. Le syndicat soutient que cette situation s’explique par le fait que la réforme sur le statut de l’artiste, qui lui confère le droit d’imposer une cotisation à l’ensemble des auteurs au Québec, n’avait pas encore été adoptée à l’Assemblée nationale lorsque l’invitation a été envoyée à ses membres à la fin mai. Mais après un examen auprès de son conseiller juridique, l’UNEQ en arrive finalement à la conclusion que le débat sur les cotisations aurait dû figurer dans le courriel d’invitation.

« Je reconnais que cette erreur de procédure justifie la tenue d’une nouvelle assemblée générale, pendant laquelle un nouveau vote sera pris sur les cotisations syndicales. Je m’excuse sincèrement auprès des membres qui ont participé de bonne foi à [l’assemblée générale annuelle] du 20 juin. N’eût été cette erreur de procédure, leur vote aurait été valide et tout à fait conforme à nos statuts et règlements », écrit dans sa lettre la présidente Suzanne Aubry, qui a décliné notre demande d’entrevue.

Vague d’adhésions

Les modalités de la nouvelle assemblée générale seront fixées le 17 janvier prochain, lors de la rencontre du conseil d’administration. Même si la question des cotisations touche l’ensemble des auteurs au Québec, membres comme non membres, la nouvelle assemblée générale sera encore une fois réservée à ceux qui sont membres de l’UNEQ depuis plus de 30 jours. Cela dit, « compte tenu du contexte actuel et dans un souci de transparence et de démocratie participative, l’assemblée sera programmée à une date qui permettra à celles et à ceux qui le souhaitent de devenir membre et d’obtenir le droit de vote », s’engage l’UNEQ.

Cette volte-face de l’UNEQ a somme toute été bien accueillie dans le milieu littéraire. Plusieurs auteurs, qui avaient été critiques dans les derniers jours, ont fait savoir qu’ils comptaient prendre leur carte de membre pour se faire entendre lors de cette prochaine assemblée. « La reprise du vote est une excellente nouvelle pour tout le monde. Les gens sont mieux informés qu’ils ne l’étaient au mois de juin. […] Quel que soit le résultat de ce nouveau vote, il aura une légitimité qui fait défaut à la décision actuelle », a entre autres réagi Dominique Fortier, qui avait été l’une des premières à remettre en cause la cotisation de 5 % imposée aux non-membres.

Nombre d’auteurs, qui ne faisaient pas partie de l’UNEQ, ont fait savoir jeudi qu’ils comptaient prendre leur carte de membre expressément pour participer à la nouvelle assemblée. C’est le cas de la romancière Marie-Paule Villeneuve, qui avait claqué la porte il y a quelques années, car elle était déçue des services qu’elle y recevait. « Je m’étais juré de ne plus y retourner. Mais c’est la seule façon de se faire entendre », explique l’écrivaine, qui continue à douter que l’UNEQ ait les reins assez solides pour agir en tant que syndicat pour les écrivains.

46
C’est le nombre de personnes qui étaient présentes à l’assemblée générale où a été votée la motion sur les cotisations.

Marie-Paule Villeneuve prévoit de présenter lors de la nouvelle rencontre une motion pour que l’UNEQ se joigne à la Fédération nationale des communications et de la culture. Cette fédération, qui regroupe près d’une centaine de syndicats dans le domaine, est affiliée à la centrale CSN. Cette nouvelle assemblée générale s’annonce donc mouvementée, d’autant plus que le montant des cotisations est loin de faire l’unanimité.

« Ceux qui vendent beaucoup de livres sont plus réfractaires. Pour ceux qui ne touchent que 100 $ de redevances par année, une cotisation de 2,5 %, c’est juste 2,50 $, ce n’est rien. Mais pour les quelques-uns qui font plus que 50 000 $ par année, ça commence à faire beaucoup. Mais je pense quand même que tout le monde doit être solidaire. Il y a tellement d’abus que l’on se doit de faire front », observe l’auteur Pierre Samson, qui est un fervent partisan de la syndicalisation des écrivains.

Avis partagés

Après s’en être détourné dans les dernières années, lui aussi compte maintenant revenir à l’UNEQ pour la prochaine assemblée générale. Si la résolution adoptée en juin est à nouveau présentée, il votera pour. Pierre Samson trouve juste l’idée que les membres versent 2,5 % au syndicat, et les non-membres 5 %.

Sophie-Luce Morin est de l’avis contraire. L’autrice croit que l’UNEQ est beaucoup trop gourmande en demandant des cotisations de 2,5 % et 5 %. Encore la semaine dernière, la direction disait s’être inspirée des cotisations imposées par la SARTEC, le syndicat des scénaristes en télévision et en cinéma. Mais Sophie-Luce Morin, qui est également membre de la SARTEC, considère que les réalités des deux syndicats ne sont en rien comparables.

« Les scénaristes sont chèrement payés, ce qui est loin d’être le cas pour les écrivains. Les producteurs cotisent aux REER des scénaristes. Je vois mal les éditeurs commencer à faire ça. Les moyens ne sont pas les mêmes », avance celle qui a bien l’intention de se faire entendre à la prochaine assemblée.

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