L’UNEQ encore accusée d’avoir agi en catimini

La grogne ne se résorbe pas au sein de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ), qui est encore une fois accusée de manquer de transparence. Le Devoir rapportait déjà la semaine dernière que seulement 46 personnes étaient présentes à l’assemblée générale lors de laquelle il a été décidé que tous les auteurs québécois devraient payer une cotisation à l’UNEQ. Voilà que l’on apprend que les membres n’avaient pas été mis au courant qu’un vote aussi crucial aurait lieu durant cette assemblée générale.
Dans un bref courriel envoyé à ses 1600 membres à la fin mai, l’UNEQ invite ses adhérents à participer à son assemblée générale annuelle le mois suivant, mais elle ne mentionne pas que le sujet des cotisations y sera débattu, et encore moins qu’un vote sur la question aura lieu.
Ceux qui avaient confirmé leur présence à la rencontre virtuelle du 20 juin ont eu droit à un peu plus de détails dans l’ordre du jour qui leur a été transmis quelques jours avant. Dans le document, dont a obtenu copie Le Devoir, l’un des points se nomme « Loi sur le statut de l’artiste : présentation, questions et résolution ». Cela dit, il n’est pas indiqué noir sur blanc que la question des cotisations allait être soulevée à ce moment de l’assemblée.
« C’est un grand manque de transparence ! Ça aurait dû être écrit en rouge dès la première convocation. C’est une question qui a un impact sur tous les auteurs au Québec. Ça aurait même dû être tranché dans une assemblée extraordinaire. Moi, en tout cas, c’est certain que, si j’avais su qu’il allait y avoir un vote, je me serais présentée », s’insurge l’autrice Sophie-Luce Morin, qui écrit notamment pour la jeunesse.
C’est certain que, si on avait été informés, il y aurait eu beaucoup plus que 46 personnes à l’assemblée
Pour elle, il ne fait aucun doute que beaucoup plus de personnes auraient participé à l’assemblée générale si l’UNEQ avait clairement dit que le sujet des cotisations était à l’ordre du jour. L’issue du vote aurait peut-être été différente, laisse entendre Sophie-Luce Morin.
Le 20 juin dernier, 46 membres étaient encore connectés à l’assemblée générale lorsque la résolution sur les cotisations a été adoptée par 44 voix pour, une voix contre et une abstention. C’est ainsi qu’il a été décidé que les auteurs membres de l’UNEQ devraient verser à leur syndicat 2,5 % de leurs revenus. Les écrivains non membres se voient pour leur part imposer une cotisation de 5 %. Un résultat qui n’a été dévoilé qu’en décembre.
Pression pour un nouveau vote
L’UNEQ est en droit d’exiger une cotisation à l’ensemble des auteurs au Québec, membres comme non membres, depuis la récente réforme sur le statut de l’artiste qui lui confère maintenant le pouvoir de se constituer en syndicat. Les premières négociations entre l’UNEQ et les éditeurs sont en cours. Les montants fixés lors de l’assemblée générale de juin pourraient entrer en vigueur lorsque la première convention collective sera ratifiée.
« Je suis d’accord à ce que l’UNEQ devienne un syndicat et je comprends que les auteurs doivent payer une cotisation. Je ne connais personne qui soit contre ça. Mon problème, c’est la manière dont la décision a été prise », tient à préciser Sophie-Luce Morin, qui a sinon toujours eu de bonnes expériences avec l’UNEQ. « On sait qu’en assemblée générale, les choses se passent vite. C’est facile de se faire enfirouaper. On aurait dû prendre le temps d’analyser tout ça, d’en débattre… En allant aussi vite, ça envoie le message que tout était arrangé d’avance », poursuit-elle.
Membre de l’UNEQ depuis une vingtaine d’années, l’auteur Éric Dupont reproche également à l’organisation d’avoir caché la tenue du vote sur les cotisations. Il demande maintenant une nouvelle assemblée générale. « J’étais à l’extérieur du pays en juin, donc je n’aurais pas pu y participer. Mais c’est certain que, si j’avais vu avant la résolution qui a été adoptée, je serais grimpé dans les rideaux. J’aurais dit à tout le monde d’aller voter, car ça n’a pas de bon sens ! Et je ne suis pas le seul à penser ça. C’est certain que, si on avait été informés, il y aurait eu beaucoup plus que 46 personnes à l’assemblée », affirme Éric Dupont.
En entrevue au Devoir la semaine dernière, le directeur général de l’UNEQ a écarté l’idée d’une nouvelle assemblée générale. Il a défendu la légitimité du vote, même si peu de personnes avaient répondu à l’appel. Pour défendre sa position, il a réitéré que tous les membres de l’UNEQ avaient reçu une invitation au préalable. Il n’a pas été possible de s’entretenir avec Laurent Dubois mercredi.
L’UNEQ attaquée de toutes parts
Deux des sept membres du conseil d’administration de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois ont récemment démissionné avant la fin de leur mandat. « Pour des raisons professionnelles », peut-on lire dans un courriel acheminé la semaine dernière aux membres. « C’est vraiment un concours de circonstances. J’avais déjà prévenu que j’allais quitter mon poste à l’automne », assure l’un des deux démissionnaires, Mathieu Boutin, qui continue de défendre bec et ongles la transparence de l’UNEQ.
Il n’en demeure pas moins que l’association fait face à de vives critiques au sein du milieu littéraire depuis deux semaines. Plusieurs auteurs non membres s’indignent de devoir payer une cotisation deux fois plus élevée que les membres. Les non-membres n’avaient par ailleurs pas été invités à participer à l’assemblée générale de juin dernier.
L’ancien directeur général de l’UNEQ, Pierre Lavoie, publie, pour sa part, une lettre ouverte ce jeudi. Celui qui a été en poste de 1993 à 2010 reproche à la direction actuelle de vouloir vendre la Maison des écrivains. Cette résidence ancestrale du square Saint-Louis, dont la valeur est estimée à 2,4 millions de dollars, servait de siège social depuis une trentaine d’années à l’UNEQ, qui souhaite s’en départir d’ici le printemps pour s’installer dans les bureaux de l’Union des artistes. L’organisation dit avoir besoin de revenus pour répondre à son nouveau mandat syndical.
Une explication qui ne convainc pas Pierre Lavoie, qui reproche à l’UNEQ un manque de consultation. « Force est de constater qu’en voulant renforcer son rôle syndical, l’UNEQ délaisse une partie importante de son mandat originel : la promotion et la diffusion de la littérature québécoise », écrit-il.