Changement de tête aux Éditions du Boréal

À l’aube de ses 77 ans, Pascal Assathiany, directeur général des Éditions du Boréal depuis 1989, passe le relais de cette maison d’édition de littérature générale. Gilles Ostiguy et Renaud Roussel se partageront la direction. Jean Bernier demeure directeur de l’édition, Catherine Ostiguy devient éditrice à temps plein, tout en conservant le secteur jeunesse. Avec ces nouvelles têtes, la maison indépendante, qui soufflera ses 60 chandelles l’an prochain, envisage une nouvelle ère.
Boréal, c’est la maison d’édition québécoise qui peut se targuer d’avoir en son sein un académicien — Dany Laferrière — et une lauréate d’un prix Médicis — la regrettée Marie-Claire Blais. Auprès d’eux, parmi les 850 auteurs de fiction et d’essais, plusieurs noms qui marquent, à leur manière, la littérature d’ici : Gabrielle Roy, Victor-Lévy Beaulieu, Gilles Vigneault, Robert Lalonde, Monique Proulx, Jacques Godbout, Hélène Monette, Simon Roy, pour ne nommer que ceux-là.
« Une maison d’édition, c’est un lieu de mémoire et de continuité », affirme le directeur sortant, Pascal Assathiany, qui laissera ses pouvoirs dès le 1er décembre. Il restera présent comme président du conseil d’administration. « Je navigue entre nostalgie et optimisme », admet M. Assathiany, qui parle des prochains mois comme d’un « changement dans la continuité ».
Chez Boréal, l’histoire est forte : c’était ce qu’éditait à son origine la maison. Et la mémoire reste vive, car les « livres de fonds », ceux qui ne sont pas des nouveautés, constituent la moitié des ventes annuelles, selon les directeurs. Seulement quelques maisons peuvent compter sur un catalogue aussi vivant en librairie — Québec Amérique et Leméac également, croit M. Assathiany.
Mémoire et nouvelles voix
« Avec la mémoire et la continuité, on a aussi nos habitudes, nos petits défauts, des réseaux qui bougent moins. Ce qui doit changer, je crois, c’est la sensibilité », indique M. Assathiany. Dans le milieu du livre, on l’entend parfois crûment, Boréal semble vu comme une « vieille maison d’édition ». Vrai qu’il fait partie des rares qui ont passé le cap du cinquantenaire, avec Fides (1937), Leméac (1957) et Hurtubise HMH (1960). « J’espère que la mémoire va rester, avec Gilles et Renaud. »
« La perception de la maison » est en train d’évoluer, affirme le trio. « Il y a une perception qui fait que même un nouvel auteur qui publie chez nous, on a l’impression que c’est un vieil auteur. Alors qu’on est intergénérationnel et très diversifié », renchérit M. Assathiany.
Une maison d’édition, c’est un lieu de mémoire et de continuité
Les nouveaux directeurs, Gilles Ostiguy et Renaud Roussel, illustrent : « L’an dernier, on a publié Gilles Archambault [89 ans] et le premier roman d’Elizabeth Lemay [32 ans]. C’est vraiment ce genre d’équilibre qu’on recherche, entre les auteurs qu’on accompagne dans la durée et les nouveaux. »
« On va continuer à réfléchir aux manières d’attirer de nouvelles voix, poursuit M. Roussel. C’est un point essentiel. » Pascal Assathiany : « Il ne faut pas oublier que l’édition n’est pas un acte volontaire. C’est un acte d’accueil. On reçoit les manuscrits. »
Les Éditions du Boréal publient, chaque année, entre 20 % et 25 % de traductions, aussi entre 20 % et 25 % de livres jeunesse, avec des débordements, car « en jeunesse, ça bouge plus vite », comme cette année, où la nouvelle collection de poésie « Brise-glace » a pris plus de place. Le ratio fictions-essais en littérature adulte varie beaucoup d’une année à l’autre.
Changer de quartier
Renaud Roussel est chez Boréal depuis neuf ans. Il se concentrera sur les contrats, les ventes de droits, et fera un peu d’édition. Gilles Ostiguy, lui, est arrivé en mai dernier comme directeur général adjoint. Il s’occupe et s’occupera de l’administration, de la mise en marché et de la commercialisation. Jean Bernier conserve son rôle, essentiel, de directeur littéraire.
Quels premiers désirs animent les nouveaux directeurs ? Développer de nouveaux réseaux, auprès des libraires, des éditeurs étrangers, des auteurs, « sur tous les tableaux », précisent MM. Roussel et Ostiguy. « Le milieu change beaucoup, et il a encore changé pendant la pandémie. »
Un changement en appelle un autre : le premier chantier auquel s’attaqueront les nouveaux directeurs, c’est le déménagement des bureaux. Boréal quittera d’ici quelques mois le Plateau-Mont-Royal pour Saint-Henri. « C’est surtout pour des raisons pratico-pratiques, ce déménagement », explique Gilles Ostiguy, copropriétaire de l’édifice où nichera bientôt Boréal, car les bureaux actuels sont très grands, et « depuis la pandémie, on sent qu’on a besoin de travailler plus près les uns des autres, de se rapprocher ».