La note de passage pour les bibliothèques

Un premier état global des bibliothèques, de leur personnel et de leurs services accorde tout juste la note de passage (66 %) à l’ensemble du réseau québécois comprenant 1042 établissements publics. Le portrait fait aussi ressortir d’importantes disparités régionales.
L’Outaouais (55 %), la Capitale-Nationale (57 %) et Laval (60 %) plombent la note du groupe tandis que Montréal (91 %) fait figure de championne. La métropole est en fait la seule des 17 régions à obtenir une note totale d’excellence fixée à 85 % et plus.
Le Portrait national 2022 des bibliothèques publiques québécoises est lancé officiellement lundi. Le Devoir en a obtenu copie. Il a été préparé par l’Association des bibliothèques publiques du Québec (ABPQ) et des membres du Réseau BIBLIO. Il s’agit d’un premier panorama du genre, qui utilise les données de 2019 pour ne pas pervertir les résultats en considérant les exceptionnelles années pandémiques qui ont entraîné des fermetures d’établissements pendant des mois. L’Association souhaite refaire le portrait d’année en année.
« On a mis des chiffres sur ce qu’on savait déjà : au Québec on a encore du rattrapage à faire pour offrir à nos citoyens des bibliothèques de qualité, adaptées à leur besoin », dit Eve Lagacé, directrice générale de l’ABPQ.
La directrice reconnaît tout de même les grands efforts consentis depuis des années pour améliorer le réseau. Le Québec, longtemps bibliophobe, revient de très loin. La place maintenant enviable de Montréal concentre l’amélioration des dernières décennies avec, au centre du réseau, la Grande Bibliothèque du Québec. Un prix d’architecture récompense depuis 2010 les plus admirables réalisations au Québec, preuve qu’il s’en trouve.
« On déplore les 66 %, il reste encore beaucoup de travail à faire, mais cela étant, les bibliothèques ont quand même la cote, dit Mme Lagacé. Les élus ont compris de façon générale les bénéfices de la bibliothèque pour la communauté. »
L’enquête est découpée en cinq sous-sections correspondant aux indicateurs définis par la norme BiblioQUALITÉ soit les dépenses d’acquisition, les heures d’ouverture, la superficie, les places assises et les ressources humaines. Les notes sont établies en pourcentage, mais aussi selon un quintile où, par exemple, pour la note globale, le premier niveau équivaut à une évaluation de moins de 39 % et le niveau 5 de 85 à 100 %. Seule une municipalité sur dix se situe à ce plus haut score. Treize des dix-sept régions obtiennent 3 (entre 55 et 69 %) comme note globale
Voici d’autres constats de l’étude :
Réseau. Pas moins de 283 municipalités réparties dans toutes les régions n’offrent aucun service de bibliothèque. Il s’agit souvent de villes excentrées, mais pas seulement, puisque Hampstead sur l’île de Montréal est du triste lot, alors que les villes de tradition anglophone dorlotent habituellement cet équipement culturel. Au total, 96,4 % de la population y ont tout de même accès. Mme Lagacé explique que certaines provinces obligent par loi les municipalités à offrir ce service. Pas le Québec.
Acquisitions. Le réseau obtient 70 % comme note pour le renouvellement des collections. L’évaluation se fait en divisant le nombre des achats par le nombre de documents déjà présents en bibliothèque. Le taux annuel de rafraîchissement devrait être idéalement de 9 %. La région Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine se démarque, avec un score de 98 %. Montréal se classe très bien aussi, avec une note de 91 %. Les livres numériques sont exclus des calculs, mais ne comptent de toute manière que pour 2 à 3 % des emprunts.
Heures d’ouverture. Là encore, la moyenne de groupe se fixe aux deux tiers (66 %). Les bibliothèques publiques auraient dû être ouvertes 5106 heures de plus en 2019 pour atteindre le niveau d’excellence et garantir l’accessibilité complète des services. Montréal atteint presque la note parfaite (98 %), le Nord-du-Québec y est (100 %) Le Centre-du-Québec et la Mauricie se classent en bas du tableau (46 %).
Superficie. L’espace disponible a une incidence directe sur les services. Il manque plus de 150 000 mètres carrés dans les bibliothèques publiques pour atteindre le sommet souhaitable. L’inflation et les coûts en hausse des constructions posent évidemment des défis supplémentaires pour le développement du réseau.
Places assises. Le score est de 74 % dans ce cas. Il faudrait environ 15 300 places de plus. « La bibliothèque, toujours gratuite, demeure le lieu culturel le plus fréquenté au Québec, bien au-delà des cinémas ou des musées, souligne Mme Lagacé. Annuellement, on tourne autour de 28 ou 29 millions de visites, et c’est toujours en hausse. C’est un lieu de vie pour tous, avec des conférences, des services, y compris pour les nouveaux arrivants, et des livres, bien sûr. »
Ressources humaines. La moyenne de l’ensemble est de 65 %. Il faudrait créer 1316 postes à temps plein selon les critères élevés du secteur. Il manque précisément 426 bibliothécaires, dont 8 seulement à Montréal, qui en compte déjà 239, mais 100 exactement en Montérégie (qui n’en a que 62) et 40 dans les Laurentides, soit le double des effectifs actuels.
Laval dans la cale
Toutes les municipalités du Québec ont reçu des portraits précis les concernant. L’administration lavalloise a donc le sien pour se faire rappeler sa place peu reluisante.
Laval ne se démarque positivement qu’en ouvrant ses faibles espaces au maximum, ce qui lui vaut une note parfaite dans l’indicateur de l’accessibilité (100 %). Seulement, des places, il en manque beaucoup, 145 000 mètres carrés au total pour atteindre le premier quintile. Sa note dans ce créneau n’est que de 40 %, à 26 points sous la moyenne. Pour les places assises, le score est encore pire, à 36 %, soit 38 points sous la moyenne du groupe.
Laval se trouve aussi en déficit de 31 bibliothécaires, ce qui lui donne une note de 30 %. Bref, la troisième ville la plus populeuse du Québec, avec près de 450 000 habitants, se positionne en cancre de la classe.
« Nous reconnaissons le rattrapage nécessaire pour atteindre un niveau d’investissements satisfaisant et durable, et nous agissons en conséquence », écrit au Devoir Yentl Béliard-Joseph, attachée de presse du cabinet du maire de Laval.
Elle ajoute qu’un plan directeur des bibliothèques visant le rattrapage « des villes comparables en matière d’espace et d’infrastructures » a été adopté en octobre 2020, soit après l’année de référence de l’enquête. Elle dit aussi qu’un plan de développement du secteur est en préparation pour mettre en oeuvre ce plan directeur.
L’agrandissement de la bibliothèque Germaine-Guèvremont en fait partie. En septembre 2021, un nouveau centre de service de proximité de l’Est a été mis en chantier pour déménager la bibliothèque Marius-Barbeau à Saint-François avec une superficie triplée.