Notre sélection de polars du mois de septembre

L’Amérique à brac
Quand Roy Braverman (pseudonyme utilisé par Patrick Manoukian) écrit des « romans américains », il y met toute la gomme. Les paysages flamboyants, les personnages hors-norme, une écriture somptueuse, souple, toujours étonnante… et une intrigue tellement tarabiscotée que même le FBI n’y voit que du feu. Ici, au beau milieu des Appalaches, un shérif se voit accusé de viol par sa femme et sa belle-sœur… avant de voir les accusations tomber. Le tout survenant à la suite d’une disparition inexpliquée… qui le sera bientôt. Il y a des cadavres un peu partout, des tromperies en tous genres, des millions à ramasser et même cet « impayable » collecteur de dettes arménien, Mardirossian, qui réapparaît pour la troisième fois et qui parvient encore à tirer les marrons du feu ; l’Arménien est souvent perspicace et plein de ressources. On aura tout au long l’impression d’être piégé au milieu d’une partie de GO… mais pourquoi pas. Un seul bémol : cette présence constante du narrateur-commentateur en début de chapitre. Horripilant.
Michel Bélair
Le cas Chakkamuk
★★★
Roy Braverman, Hugo « Thriller », Paris, 2022, 310 pages
Couac
Qui n’aime pas Richard Ste-Marie ? Son écriture élégante, son érudition, son personnage de flic philosophe et mélomane — le lieutenant-détective Francis Pagliaro —, tout cela concourt à faire de lui un auteur de premier plan. On l’a vu même transcrire, il y a quelques années, sa passion pour les arts visuels en un petit bijou de roman (Repentirs). Mais ici, dans ce nouvel opus où Pagliaro ne fait qu’une brève apparition, quelque chose cloche. L’intrigue, pourtant, est prometteuse ; elle tourne autour d’un tueur à gages mélomane officiant dans la Vieille Capitale et dont le nom de code est Monsieur Hämmerli. Un « contrat » le met en contact avec une cantatrice vieillissante qui ne peut supporter l’idée de ne plus chanter. Résultat : une profonde amitié les lie bientôt, riche intermezzo pour tous les deux. C’est le côté très réussi du roman. Par contre, les choses se gâtent quand Ste-Marie se met à faire de l’humour. À répétition. Ce qui, toujours ou presque, sonne faux. Très. On ne peut pas tout réussir…
Michel Bélair
★★ 1/2
Richard Ste-Marie, Alire, Lévis, 2022, 228 pages
Douze hommes (et femmes) en colère
Mise en garde amicale : s’assurer d’avoir du temps devant soi avant de plonger dans Tenir de Graham Moore. Par sa construction implacable et son rythme effréné, ce thriller judiciaire ferre le lecteur dès la première page et le retient jusqu’à la dernière. On sent le scénariste (The Imitation Game, c’est lui) derrière le romancier. Tout commence par un procès. Bobby Nock est accusé d’avoir tué une de ses étudiantes. Il est afro-américain. Elle est riche et blanche. Personne ne doute de la culpabilité de l’homme. Personne sauf Maya Seale, qui est membre du jury et qui va convaincre ses pairs qu’elle a raison. Dix ans plus tard, l’affaire est adaptée en docufiction. Les 12 jurés sont donc convoqués pour livrer leur version des événements. Le tout est très bien tricoté et débouche sur une finale dont certains éléments sont étonnants et d’autres que plusieurs habitués du genre auront vus venir depuis longtemps.
Sonia Sarfati
Tenir
★★★ 1/2
Graham Moore, traduit de l’anglais (États-Unis) par Robert Pépin, Calmann-Lévy, Paris, 2022, 369 pages
Petits meurtres entre vieux (amis)
Attention aux préjugés : Le jeudi suivant de Richard Osman, deuxième enquête du Murder Club, dont les membres sont des septa-octo-génaires vivant dans un village anglais, n’est pas un « cosy murder » façon fiole d’arsenic et dentelles fanées. Oubliez le thé et les biscuits. Les vieilles dames sont ici une ancienne espionne et une infirmière. Les vieux messieurs sont quant à eux un ancien syndicaliste et un ex-psychologue. Après Le Murder Club du jeudi (qu’il n’est pas absolument nécessaire d’avoir lu pour profiter de ce second tome, mais c’est un plus), une nouvelle affaire attend les quatre mousquetaires quand débarque l’un des ex-maris de Mata Hari… oups, d’Elizabeth, poursuivi par un cartel colombien et la mafia new-yorkaise. Les cadavres se multiplient dans son sillage, bien que certains morts le soient moins que d’autres. C’est éminemment sympathique, moins anecdotique qu’on l’imagine, et très drôle.
Sonia Sarfati
Le jeudi suivant
★★★
Richard Osman, traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Sophie Alibert, Éditions du Masque, Paris, 2022, 376 pages