Les flâneurs

Du balcon, l'horizon
Jonas Fortier laisse place à la sensibilité et ouvre les portes de l’intime — ce territoire de l’égarement et des confidences — avec son recueil Courbure de la terre (L’Oie de Cravan). Si l’oiseau doit voler aussi haut que possible pour voir l’horizon s’infléchir, le poète, lui, n’a qu’à s’asseoir à son balcon ou s’étendre à l’ombre d’un platane et, de là, songer à ceux qu’il aime. Croquis de paysages urbains, esquisses de pensées errantes et éclis de rêves : l’auteur nous berce par ses vers légers et aériens, mais marqués d’inquiétude et de pulsions de vie.

Identités héritées
Dans There Was and There Was Not, récit de son voyage en Turquie et en Arménie, l’Américaine d’origine arménienne Meline Toumani explore ses racines tout en tentant de leur donner un sens qui lui est propre. Sur le sol turc, théâtre de la déportation et du massacre de nombreux Arméniens pendant le génocide arménien, elle explore avec intelligence les thèmes de l’identité, du conflit et des traumatismes de l’Histoire. Un récit honnête, courageux et enrichissant d’une quête qui résonnera chez tout lecteur portant en lui de telles blessures.

Frères en guerre
Entre mots et cartes, entre un passé d’empire déchu et un présent de vieilles rancunes, on peut presque comprendre l’incompréhensible de l’invasion russe de l’Ukraine. Zigzaguant dans les coulisses mondiales où est né le conflit, le diplomate français Michel Foucher tente d’expliquer l’inexplicable. Mais le labyrinthe d’intrigues politiques dans lequel s’aventure l’auteur peut vite perdre le lecteur. Ukraine-Russie. La carte mentale du duel (Gallimard) s’adresse plus aux savants géographes qu’aux curieux en quête de réponses simples. Car la guerre, après tout, ne l’est jamais.

Thrène pour un cinéma hanté
S’il y a un film qu’il faut voir au cinéma dans sa vie, c’est bien le chef-d’oeuvre du réalisateur taïwanais Tsai Ming-liang, Goodbye, Dragon Inn (2003). En un peu moins d’une heure et demie — et en une dizaine de répliques seulement —, Tsai y révèle tout le pouvoir poétique et sensuel du 7e art en représentant en temps réel la dernière projection d’un cinéma « hanté » de Taipei avant sa fermeture. Quelle chance de le retrouver en salle cet été, nouvellement restauré. Une expérience qui appelle à une introspection et à un ralentissement nécessaire. Au cinéma Moderne le 7 août.