La belle parade des emprunts de Lee Fields

Lee Fields est très en voix, et encore performant, rien à redire. Il offre un très bon spectacle.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Lee Fields est très en voix, et encore performant, rien à redire. Il offre un très bon spectacle.

Lundi au FIJM : dans une petite heure, ce sera au tour de Lee Fields et ses Expressions d’occuper la grande scène de la Place des Festivals. Pourtant, dans la section des médias et autour, on ne parle que de Kamasi Washington. Samedi dernier, il a plus qu’impressionné, il a stupéfié ! C’est comme s’il était encore là, physiquement inamovible, musicalement supérieur. Une présence, une force.

Toujours est-il que tous ceux qui le suivent ont du pain sur la planche et des croûtes à manger. Même quand on s’appelle Lee Fields, qu’on a le soul funk chevillé au corps, qu’on est l’un des derniers survivants de l’ère des grands maîtres de la scène, à commencer par feu James Brown, auquel il est forcément comparé. C’est lui qu’on est allé chercher quand on avait besoin de raccords dans un film biographique sur le Soul Brother Number One : disons qu’il est le Soul Brother Number 2.0.

Au plus près de l’authenticité

Un vrai de vrai, mais pas pour autant le meilleur des meilleurs. Certainement ce qu’on peut souhaiter de mieux en 2022. La pièce d’ouverture, reprise des Olympians, donne la mesure : les Expressions sont un groupe d’accompagnement impeccable, avec tout ce qu’il faut, les hachures de guitare bien acérées, les cuivres très 1972, l’orgue Hammond B-3. On est quelque part entre Booker T. et ses MG’s au temps de Melting Pot et de Curtis Mayfield en solo. Références solides. C’est à la fois très authentique et pas tout à fait ça.

Je m’explique. Lee Fields est très en voix, et encore performant, rien à redire. Il offre un très bon spectacle. Seulement voilà, ce n’est pas vraiment le sien. Précisons : son premier 45 tours a paru plus que discrètement en 1969, et c’est pas mal d’années plus tard qu’il a émergé. Ce sont ses albums des dernières années, qui se veulent très manifestement Otis Redding chez James Brown, en passant par Sam Moore, qu’il défend comme si c’était son époque. Il est certes le type idoine, mais on est quand même chez un héritier parmi d’autres, bien plus qu’en présence d’un véritable pionnier.

Ne pas bouder son plaisir

 

Le cri estampillé Brother James, les bégaiements extatiques d’Otis, ça se prend fort agréablement si l’on n’est pas trop tatillon sur les éléments constitutifs de la formule. Je le suis. On me dira que j’ai boudé mon plaisir et on aura raison. Qui d’autre peut être aussi soulful à Montréal un beau lundi soir de juillet ? Qui brasse et berce un public aussi vaste et varié ?

Seulement voilà, j’ai une liste tenace de grands défunts en tête. C’est mon problème : j’identifie trop facilement les emprunts. Autant aller visionner un show de la tournée européenne Stax de 1967.

Les gens venus se faire remplir les oreilles et le coeur étaient ce lundi soir à leur bonne place. À la Place des Festivals avec des milliers d’autres rassasiés. Grâce à Lee Fields.

À voir en vidéo