Un conte animé par une drag queen crée un débat à Saint-Laurent

L’arrondissement Saint-Laurent étudie la possibilité de tenir une activité animée par la «drag queen» Barbada.
Photo: Martine Poulin L’arrondissement Saint-Laurent étudie la possibilité de tenir une activité animée par la «drag queen» Barbada.

Des pressions d’au moins une élue de l’arrondissement de Saint-Laurent, à Montréal, pourraient résulter en l’annulation d’une heure du conte animée par la drag queen Barbada, selon une source qui travaille dans le milieu des bibliothèques municipales. Le maire de l’arrondissement, Alan DeSousa, dément toutefois vigoureusement cette version des faits.

Présente sur la scène artistique montréalaise depuis 2005, Barbada présente des « heures du conte » dans diverses librairies et bibliothèques, où elle lit des histoires à des jeunes de trois à huit ans. La tenue de son activité prévue le 5 novembre prochain dans l’arrondissement de Saint-Laurent, à Montréal, est toutefois incertaine.

« On savait que ça allait créer un petit quelque chose, parce que dans le passé, c’est déjà arrivé que quelqu’un souhaite programmer cette activité-là, et ç’a été refusé », a confié au Devoirune personne qui travaille dans le réseau des bibliothèques de Montréal et qui souhaite préserver son anonymat par crainte de représailles. « Malgré une réticence flagrante, ils [les décideurs] ont finalement accepté », précise notre source.

Toutefois, le vent a tourné lorsqu’une élue serait allée consulter le site de Barbada en début de semaine dernière et se serait trouvée mal à l’aise. « Elle a convaincu tout le monde de changer d’idée et a demandé aux bibliothèques de rompre le contrat avec Barbada », explique notre source.

Mise au fait de cette volte-face lundi matin, Barbada a immédiatement proposé de rencontrer les élus de l’arrondissement afin de leur expliquer sa démarche. « Le but, ce n’est pas d’entrer en opposition avec les gens de l’arrondissement, c’est plutôt de se parler et que tout le monde y trouve son compte », indique Sébastien Potvin, de son nom civil, au téléphone.

Une autre version des faits

 

Joint aussi par téléphone, le maire de Saint-Laurent, Alan DeSousa, dément cette version des faits divulguée par notre source. « Il n’y avait pas d’élu qui était opposé » à l’activité de Barbada, soutient-il, évoquant plutôt une conversation plus globale sur les questions d’inclusivité dont souhaitent traiter les bibliothèques de l’arrondissement.

« Le conseil que je préside était ouvert à traiter ces sujets-là, mais il a voulu avoir une certaine connaissance, savoir comment ces sujets qui sont hautement délicats pourraient être traités », explique-t-il. « On va prendre une pause de booker des événements jusqu’à tant qu’on établisse le cadre pour avoir ces discussions, on va établir les conditions de succès. » Quant à une éventuelle rencontre avec Sébastien Potvin, il s’y déclare « très ouvert ».

« Le but, c’est de se parler »

L’artiste en question a bon espoir de pouvoir parler aux élus sous peu, mais déplore la manière dont la situation a évolué. « Si j’avais été au courant un peu avant, j’aurais pu proposer aux élus de me rencontrer avant de mentionner leur inconfort. »

Il espère pouvoir animer son activité au mois de novembre, comme il l’a déjà fait dans de nombreuses autres bibliothèques. « Dans toute cette histoire-là, je veux travailler avec tout le monde pour que l’activité ait lieu », explique-t-il, conscient que les stéréotypes ont encore la vie dure. « C’est pas parce que c’est une drag queen qu’on va faire des jokes de pipi ou de caca. Le but, c’est de se parler », réitère-t-il, en soulevant le fait que les commentaires négatifs concernant son activité proviennent uniquement de personnes qui n’y ont pas assisté.

Une publication Facebook faite par la bibliothèque de Dorval pour annoncer la présence de l’artiste pour deux heures de conte le 11 juin dernier avait d’ailleurs suscité un torrent de haine sur les réseaux sociaux. Barbada avait néanmoins effectué ses deux activités, bien qu’une présence policière ait été requise à l’extérieur.

« Je vais tout faire pour que cette activité ait lieu, puisqu’elle est bénéfique pour tout le monde », déclare l’artiste, bien décidé à dialoguer.

Avec Étienne Paré

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