«Pax. Le chemin du retour»: retrouvailles

L'autrice Sara Pennypacker
Photo: DR L'autrice Sara Pennypacker

La guerre est enfin finie. Bienheureux événement, soit, mais elle a laissé des dégâts dans son sillage. Peter y a perdu son père et a dû abandonner Pax, son renard, sans compter toute cette eau contaminée, gorgée de plomb, à laquelle les animaux ne peuvent plus s’abreuver sans tomber malades. À l’aube de ses 14 ans, l’adolescent s’enrôle ainsi avec les Soldats de l’eau afin de dépolluer les rivières. Une longue traversée initiatique l’attend.

Lauréate du prix Sorcière en 2018 pour Pax. Le petit soldat, Sara Pennypacker récidive ici avec une suite tout aussi  lumineuse que la première aventure, sinon plus. Pax. Le chemin du retour est une ode aux liens indéfectibles, profondément enfouis, à ces relations qui soudent les êtres et les forgent à jamais. Peter, détruit par la mort de son père et la perte de son renard, avance avec rage dans cette nouvelle réalité. Blessé par ces abandons répétés, il refuse toute nouvelle relation et va même jusqu’à espérer que son coeur deviendra un rocher. Mais il suffit d’une brèche, d’une légère fissure, pour laisser entrer l’autre, accepter la fatalité et se reconstruire. Le chemin du retour est ainsi une traversée parsemée de doutes, de craintes, mais aussi d’espoir pendant laquelle Peter apprend, aux côtés de Jade et de Samuel, ce jeune couple avec qui il tente de « réparer les dégâts de la guerre ».

Le récit de Peter alterne avec celui de Pax, fidèle renard, qui entreprend la route de son côté, accompagné par sa fille, petite renarde fragile et insouciante. Quarante-quatre chapitres tenus par une narration omnisciente, laquelle laisse toute la place aux pensées des deux protagonistes, deux âmes liées par le destin. Mais si Peter et Pax progressent à petits pas vers un lendemain meilleur, forts et fragiles à la fois, la horde des personnages qui entourent les deux comparses est tout aussi attachante et importante. En tête, Vola, ancienne militaire, mère d’accueil indulgente et aimante, véritable port d’attache pour l’adolescent.

La poésie des liens

 

Si la trame de ce récit initiatique est brodée avec finesse, que les pages se tournent sans effort, que les personnages, entiers, nous propulsent dans cette campagne désertée, la force du récit tient beaucoup à l’écriture poétique de Pennypacker — ici dans une traduction de Faustina Fiore. Le retour aux sources entrepris par Peter est agrémenté de plusieurs moments contemplatifs, de détails perçus ou vécus notamment par le héros, d’atmosphères qui permettent de saisir toute sa délicatesse. En tête, ce moment où il se prend à observer les « chauves-souris planer silencieusement au-dessus de la rivière, cherchant de quoi manger » tout en découvrant « à ses pieds, une armée de fourmis […] qui s’attaque aux miettes de biscuits ». Cette rivière, personnage en soi et si précieuse, qui est, dira Pax à sa fille, « de l’eau sans fin qui court comme le vent ».

Tout comme dans le premier tome, quelques illustrations monochromes signées Jon Klassen parsèment le récit. Grâce à un trait sensible et minimaliste, à quelques lignes franches, l’artiste parvient à saisir les moments clés de l’histoire, à rendre avec profondeur et délicatesse la beauté des liens tout en laissant le lecteur imaginer les alentours. De la grande littérature qui allie aventure, sensibilité, apprentissage et intelligence.

Pax Le chemin du retour

★★★★

Sara Pennypacker et Jon Klassen, traduit de l’anglais par Faustina Fiore, Gallimard Jeunesse, Paris, 2022, 288 pages

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