«Jurassic World Dominion»: le temps de l’extinction

Il y a près de trente ans, Steven Spielberg battait, avec Jurassic Park (Le parc jurassique), un record de box-office qu’il avait lui-même établi avec E.T. Au-delà des chiffres, le film offrait une adaptation spectaculaire, aux effets spéciaux novateurs, du roman de Michael Crichton racontant comment un milliardaire avait réussi à cloner des dinosaures afin d’en faire l’attraction d’un parc, au grand dam d’un trio de scientifiques. Deux suites décevantes suivirent, puis, après un hiatus, on redémarra la saga avec des héros plus jeunes et plus attrayants. Après avoir ramené l’un des vétérans dans le précédent opus, Jurassic World Dominion (Monde jurassique. La domination) opte pour une fusion des deux ères.
Comme le rappelle encore avec force ces derniers temps la série Stranger Things, la nostalgie, c’est payant. Or, dans le cas de Jurassic World Dominion, il s’agit d’une arme à double tranchant. Car s’il fait bon retrouver les docteurs Ian Malcolm (Jeff Goldblum), revu dans The Lost World (Le monde perdu) et Jurassic World: Fallen Kingdom (Monde jurassique. Le royaume déchu), Alan Grant (Sam Neill) et Ellie Sattler (Laura Dern), reparus dans le troisième volet, force est de reconnaître que leur présence ne fait qu’exacerber l’insignifiance de leurs successeurs, Owen Grady (Chris Pratt, sur le pilote automatique comme jamais) et Claire Dearing (Bryce Dallas Howard).

Quoi qu’il en soit, quatre années se sont écoulées depuis la destruction d’Isla Nublar, le sanctuaire des dinosaures. Depuis, ceux-ci vivent en liberté dans le vaste monde. Dans leur maison au fond des bois, Owen et Claire coulent des jours relativement paisibles en compagnie de leur fille adoptive Maisie (Isabella Sermon), un clone qui, à la manière d’Eleven dans la deuxième saison de Stranger Things, tiens, en a assez de vivre caché.
Mais voici que l’adolescente et la progéniture du vélociraptor fétiche d’Owen, Blue, sont kidnappées par un vil magnat de la génétique. Flairant de leur côté que ce dernier est à l’origine de l’apparition de sauterelles géantes voraces qui menacent la production mondiale de grain, Malcolm, Grant et Sattler reprennent du service. En coulisses, on retrouve à nouveau le docteur Henry Wu (BD Wong), dont les recherches avaient permis la (re) création des dinosaures…
Tension absente
Et tout ce beau monde se croise dans ce qui est, de loin, le pire film de la série. Surpeuplé, sous-écrit et éparpillé, Jurassic World Dominion alterne avec une régularité soporifique de longues scènes de dialogues explicatifs et des séquences d’action efficaces une fois sur deux. Colin Trevorrow, réalisateur de Jurassic World (Monde jurassique), notoirement éjecté de Star Wars: The Rise of Skywalker (Star Wars. L’ascension de Skywalker) avant d’être remplacé au pied levé par J.J. Abrams, accomplit ici un travail strictement générique.
Comme d’habitude, le tout est ponctué de touches d’humour, mais vers la fin, on force la note comique au détriment du suspense. Lorsque le méchant de l’histoire devient pathétique et ridicule, le peu qui restait de tension se dissipe pour de bon. C’est une production qui se cherche en outre une identité et qui se la joue tantôt James Bond, tantôt Indiana Jones, tantôt Godzilla, tantôt évocation du film original… Là encore, le facteur nostalgie nuit au film, puisqu’on est à des lieues du sens de l’image et du récit de Spielberg. Après trois décennies, peut-être est-il temps de clore la série ? Extinction des feux et des bêtes.