La porteuse d’artistes

Pour Claudel Doucet, l’accompagnement d’artistes qu’elle offre maintenant à LA SERRE — arts vivants est un peu la continuation de sa pratique circassienne des dernières années, porteuse de main à main : un rôle de soutien. « Être porteuse, c’est plus qu’une discipline, c’est aussi un état où tu te mets au service de l’autre, dans une forme de collaboration, dit-elle. Tu es prêt à tout pour que l’autre réussisse. » Directrice artistique et codirectrice générale, depuis janvier, de l’organisme qui orchestre le OFFTA, celle qui s’était spécialisée dans la portée de personnes « beaucoup plus massives » qu’elle aide désormais plutôt les projets à lever de terre.
Se décrivant comme une « artiste issue de la culture du cirque contemporain », elle a vraiment trouvé sa place dans cet espace interdisciplinaire. « J’ai été dix ans à l’École nationale de cirque (ENC), des programmes pour enfants jusqu’au Sport-études. Après, j’ai fait des tournées comme acrobate. Mais je me suis toujours sentie un peu alien dans ce monde-là. À l’ENC, on disait que j’étais la danseuse de l’école ; dans les milieux de danse, que j’étais l’acrobate… »
Pratiquant « une forme d’hybridité » des disciplines, Claudel Doucet ne s’est jamais sentie à l’aise avec les étiquettes. « Je me suis toujours faufilée dans les failles. Et quand j’ai découvert LA SERRE en 2017, c’était comme une maison pour moi. »
Cela fait un moment que l’artiste de 36 ans, travaillant avec la relève à l’ENC depuis plusieurs années par des ateliers et des mises en scène, désirait élargir son rôle d’accompagnement. « J’avais envie de mettre ce que je connaissais au service de mes pairs. Avec ma compagnie (LION LION), j’étais rendue là, à me demander comment faire pour soutenir les créations des autres. »
Retour
Après deux années en formule hybride, cette édition en présentiel du festival d’arts vivants marque un « grand retour »… À la normale ? « Oui, mais ça n’a jamais été normal avec le OFFTA, c’est ce qui est magnifique, réplique Claudel Doucet. C’est toujours un festival où on sait que même nous, dans l’équipe, on va être étonnés. Un espace où on ne sait pas exactement à quoi s’attendre. Et on revient dans cet esprit. »
« La notion d’être ensemble va être très forte. On va le célébrer, beaucoup de projets abordent ça. Plusieurs aussi traitent des manières de resurgir, après ce qui vient de se passer. Et c’était important pour moi, quand je regardais la programmation, de faire l’état des choses : certains sont partis dans de gros délires pendant la pandémie et sont dans l’ivresse de leur imagination. D’autres ont osé regarder une réalité assez affreuse en face et la nommer. Alors, je vois beaucoup de choses en réaction à ce qui s’est passé, des fulgurances, qui ont été nourries de ce moment étrange, et qui maintenant sont prêtes à exploser et à être partagées. Cette année, c’est comme un gros bouquet généreux, gorgé, qui part dans plein de directions. »
Une programmation rendue accessible grâce à un laissez-passer coûtant 30 $ et donnant accès aux 18 projets, qui s’éparpilleront dans divers lieux, d’une bibliothèque à une cabine téléphonique. L’événement s’ouvre le 27 mai avec faith hole, un spectacle « complètement extravagant, où Nate Yaffe a travaillé à éliminer toutes les formes de pudeur de son corps ».
L’exploration de la corporalité semble d’ailleurs très présente dans cette édition. La directrice s’en réjouit. « Avec le retour à la présence, c’est beau de voir que les corps reviennent en force. C’est tangible, ce que ça nous fait, d’être près d’un corps, en ce moment. »
Une période ardue, où les artistes émergents ont bien besoin de coups de pouce. « On a perdu énormément de voix, de gens qui se sont réorientés. Ce n’est pas facile en ce moment, pour la relève. Mais ceux qui sont restés dans les écoles et ont continué malgré tout, parce qu’ils sont attachés fondamentalement à ce que l’art apporte, vont avoir des choses à dire ! Et pour moi, c’est important d’inviter aussi au OFFTA des projets très verts, qui sont vraiment dans leurs débuts, parce qu’il faut tendre la main à ces artistes. »
Et le main à main, c’est justement la force de Claudel Doucet.
À surveiller
HéTéROTOPIAS – Espèces inconnues : un événement gratuit en pleine nature. Une fusion entre danseurs et costumes-sculptures, signée Sarah Wendt et Pascal Dufaux. Le 28 mai, au Parc du Mont-Royal.
Quelqu’une : de 2016 à 2020, Camille Paré-Poirier a enregistré la parole de sa grand-mère dans un CHSLD. Un « archivage poétique » posant la question : comment raconter une mort ordinaire ? Les 29 et 30 mai, à l’Édifice Wilder – Espace danse.
Le Magasin : projet d’écriture scénographique d’Odile Gamache, inspiré par la « désuétude » des commerces face à la vente en ligne. Aux Écuries, 3 et 4 juin.
Feu de forêt : leur passion pour les baleines a réuni la chanteuse Safia Nolin et l’artiste visuelle Maryse Goudreau pour ce spectacle de clôture musical dans un sous-sol d’église. « Une ode au règne animal qui devient un party après ». Le 5 juin, à la Fabrique de la paroisse Saint-Édouard