Une exposition itinérante consacrée à Camille Laurin

Alors que le Québec est plongé de nouveau en plein débat linguistique, le gouvernement Legault a annoncé en grande pompe vendredi une exposition consacrée à Camille Laurin, l’ex-ministre péquiste sous René Lévesque à qui l’on doit la Charte de la langue française. L’exposition devrait parcourir plusieurs musées à travers le Québec entre septembre 2022 et l’hiver 2024.
La Société des musées du Québec, qui pilote le projet, n’a pas encore déterminé pour l’instant quelles seront les institutions qui l’accueilleront. Une collection restreinte a été conçue pour les petites salles en région, tandis que les grands musées de Montréal et de Québec pourront présenter l’éventail des archives inédites. Intitulée « Camille Laurin, un legs inestimable », l’exposition retracera le parcours de l’éminent psychiatre devenu icône de la lutte pour le fait français au Québec.
« M. Laurin avait parfaitement saisi l’importance pour la nation québécoise de se définir, de s’exprimer et de s’unir autour de la langue française. Grâce à sa conviction et à sa force de persuasion, nous continuons de nous affirmer et d’exister en tant que nation francophone au sein des Amériques », a fait valoir le ministre responsable de la Langue française, Simon Jolin-Barrette, en conférence de presse.
Aux côtés de la ministre de la Culture, Nathalie Roy, et de la ministre responsable de la Métropole, Chantal Rouleau, Simon Jolin-Barrette n’a pas manqué de souligner que Camille Laurin, qui est décédé en 1999, aurait fêté son 100e anniversaire en ce 6 mai.
L’annonce de vendredi tombe d’autant plus à point que la question de la langue française occupe une place importante dans l’actualité politique avec le projet de loi 96. Défendu par le ministre Jolin-Barrette, ce projet de loi vise justement à renforcer la Charte de la langue française de Camille Laurin. Cette large réforme est vertement critiquée par plusieurs groupes de la communauté anglophone, alors que certains francophones considèrent qu’elle ne va pas assez loin, sur la question des cégeps anglophones entre autres.
En dépit de ce contexte, Simon Jolin-Barrette assure que l’exposition hommage à Camille Laurin n’est pas politique. « L’œuvre de M. Laurin va au-delà de toute formation politique. Son héritage appartient à tous les Québécois. […] Je pense que tous les Québécois peuvent s’en réclamer », a affirmé avec conviction le ministre.
Un héritage à défendre
Ses prédécesseurs — qu’ils soient libéraux, péquistes ou caquistes — ont d’ailleurs cosigné vendredi une lettre ouverte pour souligner le 100e anniversaire de naissance de Camille Laurin, en rappelant que la défense du fait français au Québec passe non seulement par la loi 101, mais également par des choix individuels.
En conférence de presse, la ministre Chantal Rouleau est allée plus loin en reconnaissant que la présence du français à Montréal demeure une question d’actualité, près de 45 ans après l’adoption de la loi 101. Aussi présent, le frère de Camille Laurin s’est pour sa part désolé de « l’anglicisation envahissante et galopante » dans la métropole, estimant aujourd’hui que le français se trouve dans une « situation dramatique ». À cinq mois des élections, Pierre Laurin a néanmoins salué la volonté du ministre Jolin-Barrette de redresser la barre.
« La détermination, la passion et le courage de Camille Laurin devraient nous inspirer dans cet autre moment critique de notre histoire. […] Je suis rassuré de voir que M. Jolin-Barrette est le ministre qui reprend le flambeau », a laissé tomber au cœur d’un vibrant plaidoyer le frère de l’ancien ministre péquiste.
Élu sous la bannière du Parti québécois pour la première fois en 1970, Camille Laurin était un proche de René Lévesque, même si ce dernier a toujours été plus modéré que lui sur la question linguistique. Diabolisé dans la presse anglophone à l’époque, il a néanmoins persisté et fait adopter en 1977 la Charte de la langue française, dans une version moins radicale que souhaité au départ cependant.
La loi 101, comme on l’a communément appelée, consacre le français comme seule et unique langue officielle du Québec en obligeant notamment les enfants d’immigrants à être scolarisés dans la langue de Molière jusqu’au secondaire.