Le politologue Jean-Marc Piotte est décédé

Syndicaliste actif et ancien président du syndicat des professeurs de l’UQAM, Jean-Marc Piotte pratiquait un syndicalisme «de combat», qui visait bien plut haut que les simples conditions de travail de ses membres.
Photo: Nicolas Ouellette Creative Commons Syndicaliste actif et ancien président du syndicat des professeurs de l’UQAM, Jean-Marc Piotte pratiquait un syndicalisme «de combat», qui visait bien plut haut que les simples conditions de travail de ses membres.

Le politologue Jean-Marc Piotte est décédé d’un arrêt cardiaque dans la nuit de jeudi à vendredi à l’âge de 81 ans. Théoricien du syndicalisme ayant fait partie du comité fondateur de la revue Parti pris en 1963, il est salué pour sa sensibilité aux « mutations sociales » et son approche fédératrice.

Jean-Marc Piotte a également été professeur et directeur du Département de sciences politiques de l’UQAM, en plus d’être président du syndicat des professeurs de la même université. Il a participé à la fondation des revues Chroniques et, plus récemment, À bâbord !.

Toujours ancrée à gauche, la pensée de Jean-Marc Piotte a évolué au fil des décennies, commente le chroniqueur du Devoir Louis Cornellier, qui signait en 2013 une recension du livre de Piotte, Démocratie des urnes et démocratie de la rue. Piotte s’y définissait lui-même, écrit Cornellier, comme un « marxiste révisionniste ».

Sans abandonner son désir de se battre pour une société plus juste, le politologue y admettait rêver désormais de transformations sociales favorisant le « mieux » au détriment du « pire ».

Pour l’essayiste et chroniqueur au Devoir Normand Baillargeon, qui l’a beaucoup côtoyé et qui a cosigné certains de ses ouvrages, Jean-Marc Piotte se distinguait par son ouverture au débat d’idées.

« Il n’est jamais resté enfermé dans une lecture dogmatique » de la société, dit-il. « C’est quelqu’un qui est resté très attentif aux mutations sociales. » En 2011, les deux hommes dirigeaient ensemble un livre intitulé Le Québec en quête de laïcité. Ils ont aussi récolté ensemble des récits de vie de gens de gauche et qui ont pris des chemins différents. « Il y a des gens qui exprimaient des points de vue variés », et Jean-Marc Piotte était « suffisamment ouvert d’esprit » pour les écouter.

Cette ouverture aux idées différentes a cependant valu à Jean-Marc Piotte certaines critiques, dont celle de Louis Gill, qui signait en 2015 un livre intitulé Autopsie d’un mythe. Réflexions sur la pensée politique de Jean-Marc Piotte.

Syndicaliste de combat

 

Reste que Jean-Marc Piotte demeure une figure majeure de la pensée politique québécoise, constate Louis Cornellier. Syndicaliste actif et ancien président du syndicat des professeurs de l’UQAM, Piotte pratiquait un syndicalisme « de combat », qui visait bien plut haut que les simples conditions de travail de ses membres, commente-t-il.

C’est l’affaire Guérin, qui secouait l’École normale Jacques-Cartier au début des années 1960, qui a mené à la fondation de la revue Parti pris, raconte Gérald McKenzie, qui a côtoyé Jean-Marc Piotte à cette époque. « On appuyait les professeurs qui ont été mis dehors », se souvient-il. Plus tard, le groupe Parti pris célébrera « l’indépendance, le socialisme et la laïcité », résume-t-il.

« Après, il est devenu professeur et a eu beaucoup d’influence », dit Gérald McKenzie. Professeur à l’Université d’Ottawa, Jean-Pierre Couture a été étudiant de Jean-Marc Piotte. « C’était un définisseur de situation », dit-il, ajoutant que Piotte posait un regard critique sur ces situations tout en pratiquant un militantisme engagé.

Conservant cet esprit critique, Jean-Marc Piotte a ensuite pris ses distances envers « le nationalisme de droite », ajoute M. McKenzie. « Il était assez dur envers le nationalisme identitaire et conservateur », qui n’avait « rien à voir » avec ce que l’indépendantisme « socialiste et décolonisateur » était du temps de Parti pris, ajoute Jean-Pierre Couture.

Pour ce dernier, le succès du livre de Jean-Marc Piotte sur Les grands penseurs du monde occidental témoigne de l’influence du politologue. « Il était très fédérateur », dit-il.

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