Les musées nationaux veulent imposer le passeport vaccinal

Les quatre plus grands musées de la province demandent à Québec la permission d’imposer le passeport vaccinal à leurs visiteurs. Le Musée national des beaux-arts du Québec, le Musée d’art contemporain et le Musée de la civilisation, avec le Musée des beaux-arts de Montréal, ont plaidé cette cause dans une lettre commune adressée à la ministre de la Culture, Nathalie Roy. L’accès pour tous à ces lieux d’art est-il en jeu?
Selon des informations obtenues par Le Devoir de source sûre émanant de ces musées, c’est pour répondre à la demande des visiteurs que les musées-lois du Québec et le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) veulent imposer le passeport vaccinal. Depuis le 1er septembre 2021, les musées et les bibliothèques sont parmi les rares lieux culturels exemptés de cette restriction.
Pourtant, plusieurs visiteurs présentent leur passeport spontanément à l’entrée des grands musées, selon ce qu’a appris Le Devoir. D’autres amateurs d’art rebroussent chemin après avoir compris que ce dernier n’est pas exigé pour accéder aux expositions. Au moins 18 autres musées au Québec, qui ne sont pas régis par la loi comme les musées nationaux, imposent déjà de leur propre chef le passeport vaccinal aux visiteurs.
« Pour le moment, il n’y a aucun changement quant à l’application du passeport vaccinal dans les musées. Le gouvernement et la Santé publique œuvrent à l’heure actuelle davantage à la reprise des activités qu’à un renforcement des mesures », a précisé l’attachée de presse du ministère de la Culture, Elizabeth Lemay.
« Nous concentrons actuellement tous nos efforts pour que le milieu culturel puisse reprendre ses activités de façon pérenne et sécuritaire, a poursuivi Mme Lemay. À notre connaissance, aucune éclosion n’a été enregistrée officiellement dans les musées-lois du Québec. Nous continuons de suivre la situation de près. »
Rassurer, malgré aucune éclosion
Les quatre institutions muséales sont revenues d’une seule voix au Devoir. « Depuis le début de la pandémie, les trois musées d’État et le MBAM maintiennent un lien avec le ministère de la Culture dans un but commun : celui de protéger employés et visiteurs afin de demeurer ouverts et accessibles, a commenté Agnès Dufour, du Musée de la civilisation de Québec (MCQ). Pour le moment, aucune mesure supplémentaire n’a été implantée. »
Les musées d’art sont reconnus comme des lieux très peu propices à la transmission de la COVID-19. Le fait qu’on y déambule sans s’arrêter longtemps devant les œuvres, leurs vastes espaces, les systèmes d’aération nécessaires pour préserver les collections en font des lieux exemplaires du point de vue sanitaire.
À la connaissance du MBAM, « aucune éclosion, ni parmi les visiteurs ni au sein de l’équipe, n’a eu lieu au Musée » depuis le début de la pandémie. Au Musée d’art contemporain, « comme toute autre organisation, nous avons eu des cas isolés parmi les employés, mais pas d’éclosion », a indiqué la directrice des communications Marine Godfroy. Le MCQ et le Musée national des beaux-arts du Québec n’ont pas répondu avant l’heure de remise de ce texte.

Le contexte Omicron
Un sondage mené par la Société des musées du Québec (SMQ) auprès de ses membres révèle que 32 % des 109 répondants exigent le passeport vaccinal « soit pour l’admission générale, des activités ou des événements ». 60 % des répondants au sondage sont également favorables à l’implantation du passeport vaccinal dans les musées. 40 % s’y opposent.
Pour le directeur général de la SMQ, Stéphane Chagnon, ces résultats démontrent « à quel point le réseau est diversifié et atypique. On ne vit pas la même réalité si on est un centre d’art urbain ou un petit musée de société en région ».
M. Chagnon souligne aussi que le sondage a eu lieu du 18 au 20 janvier, « soit en plein haut de vague d’Omicron. Je crois que si on reposait les mêmes questions la semaine prochaine, les résultats seraient différents ».
Le musée Pointe-à-Callière, dans le Vieux-Montréal, exige depuis le 26 décembre le passeport vaccinal à l’entrée. « C’est une question de respect, pour assurer la sécurité de nos visiteurs et employés », explique la directrice des communications, Marie-Josée Robitaille.
« Nous offrons beaucoup d’activités interactives. Nous recevons beaucoup d’enfants et de groupes scolaires », poursuit-elle. Même si le musée fournit un stylet pour les écrans tactiles, afin qu’ils ne soient pas touchés directement par mille petits doigts, il estime que des mesures supplémentaires étaient nécessaires.
Les visiteurs réagissent très positivement à ces sur-mesures, précise Mme Robitaille ; une seule plainte a été rapportée, à la porte, sans suite vers la direction.
Le Musée de l’Holocauste à Montréal et le Musée canadien de l’histoire, à Gatineau, exigent aussi le passeport vaccinal. Comme le Musée POP, jouxté à la vieille prison de Trois-Rivières, fermé pendant la poussée d’Omicron, et qui rouvre tout juste samedi.
« La vieille prison est un espace exigu, très difficile à aérer. » C’est surtout pour calmer les inquiétudes des employés que la directrice, Valérie Therrien, a rajouté des mesures sanitaires. « On souffre aussi de la pénurie de main-d’œuvre, c’est important que nos employés se sentent en sécurité. »
Pour le muséologue Yves Bergeron, titulaire de la Chaire de recherche sur la gouvernance des musées et le droit de la culture de l’UQAM, « si les musées-lois demandent à la ministre d’imposer le passeport vaccinal, tous les autres musées vont suivre… Afin d’éviter de diviser le milieu muséal, le gouvernement ne devrait-il pas appliquer les mêmes règles pour tout le milieu de la culture ? » se demande M. Bergeron.
La loi exige de certains lieux qu’ils imposent le passeport vaccinal. Est-il légal pour les lieux exemptés de le demander ? « Il est possible qu’un établissement mette en place des mesures plus sévères que celles qui sont actuellement obligatoires, a répondu le ministère de la Santé, comme le fait d’exiger le passeport vaccinal dans ses locaux. Dans un tel cas, c’est à l’établissement de s’assurer que la mesure respecte les différentes lois en vigueur, notamment la Charte des droits et libertés de la personne. »