Pour en finir avec les préjugés grossophobes

« Mais pourquoi les gros dérangent ? C’est quoi le problème ? » se questionne l’humoriste Christine Morency dans la nouvelle série documentaire J’t’aime gros, qu’elle coanime avec la chanteuse Mélissa Bédard. Celles qui affichent leurs formes sans complexe s’attaquent de front à la grossophobie et tentent de faire tomber les préjugés.
« Le racisme, il n’a plus sa place maintenant, il y a des mots qu’on ne peut plus utiliser sur la place publique parce qu’ils sont trop lourds de sens. Mais la grossophobie, elle, est tellement acceptée […] Je suis tannée qu’on associe les gros à des préjugés qui les stigmatisent », déplore l’humoriste dès les premières minutes de la série.
À travers les six épisodes de trente minutes, elle discute ainsi avec Mélissa Bédard de ce qu’est la grossophobie, des façons dont elle se manifeste au quotidien et de tout le mal qu’elle peut faire. Les deux animatrices n’hésitent d’ailleurs pas à puiser à même leurs expériences personnelles pour illustrer leurs propos.
Car si elles affirment aujourd’hui s’aimer et se trouver belles avec leur corps « hors normes », le chemin pour en arriver là n’a pas été facile. Des commentaires haineux sur leur poids, elles en ont reçu des tonnes chaque fois qu’elles montrent une parcelle de peau sur leurs réseaux sociaux ou lorsqu’elles font une simple apparition à la télévision. C’est un combat permanent, soulignent-elles, pour s’accepter soi-même et se faire accepter par les autres.
Mettre des mots sur le problème
Au fil des épisodes, plusieurs voix se joignent aux leurs pour mettre des mots sur le problème et trouver des solutions. Les deux animatrices donnent notamment la parole aux humoristes Lise Dion et Matthieu Pepper, à la chanteuse Renée Wilkin et au chroniqueur Jean-Sébastien Girard. Sous forme d’entrevues intimes, les invités abordent des sujets aussi variés que leur alimentation, leur santé, l’intimidation dont ils ont été victimes, mais aussi comment il est difficile de séduire ou de s’habiller lorsqu’on est une personne grosse.
Dans le premier épisode, que les médias ont pu visionner en primeur vendredi, Lise Dion révèle par exemple ne s’être jamais déshabillée devant son conjoint, gênée du regard qu’il pourrait porter sur son corps nu. De son côté, l’artiste de cirque Mario Cadieux raconte avoir dû passer une IRM dans un hôpital vétérinaire, « sur une table à vache », parce que son corps « ne fittait pas » avec les appareils médicaux traditionnels.
À travers les différents témoignages, la série cherche surtout à déconstruire des préjugés encore tenaces dans notre société, comme le fait qu’on entende encore dire que les personnes grosses sont paresseuses, qu’elles ne font jamais de sport, qu’elles mangent beaucoup ou qu’elles ne sont pas en bonne santé.
Le chercheur à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec Benoit Arsenault vient d’ailleurs apporter son expertise à ce sujet, lui qui s’intéresse à la relation entre le poids et la santé. Il démontre à ceux qui ne le savent pas encore que, oui, c’est possible d’être gros et en bonne santé.
Un mot encore tabou
Le journaliste Mickaël Bergeron et la blogueuse Edith Bernier — qui ont écrit respectivement La vie en gros et Grosse, et puis ? — apportent également leurs réflexions. Il faut dire que leurs livres sont à l’origine de l’existence de la série, de l’aveu de la productrice Isabelle Maréchal.
« Leurs livres m’ont touchée et troublée », indique-t-elle en entrevue. Elle ajoute avoir réalisé que « nous sommes tous un peu grossophobes. Pas parce qu’on est de mauvaises personnes, mais parce qu’on est ignorants ».
Isabelle Maréchal espère que la série permettra d’entamer un dialogue sur la grossophobie, un mot encore tabou, et qu’elle contribuera à changer le regard que la société porte sur les personnes grosses.